Le premier film de Lucas Delangle est une fable à la fois sensible et sûre d’elle.
Jacky, nerd champêtre et désœuvré, regard azur et air pompon, vit depuis la mort de ses parents dans les montagnes avec sa grand-mère magnétiseuse, jusqu’au jour où il croise Elsa, beauté surnaturelle, œil de lynx farouche et impétuosité fauve. Atteinte d’une étrange tache pileuse sur l’échine, elle vient demander de l’aide à la guérisseuse.
Dans une des très belles scènes de ce premier long métrage présenté en ouverture de l’Acid à Cannes, la rebouteuse commence à transmettre à son petit-fils son don. Les mains délicatement suspendues à quelques centimètres du ventre d’une pie inerte, il croit à son pouvoir dur comme fer et s’applique alors que l’aïeule le taquine : “T’as pas de sensualité hein, t’as jamais touché une fille.” La scène renferme à la fois les qualités du film, mais aussi ses limites.
Sobre sensualité
Porté par un super duo d’acteur·ices (Lou Lampros et Thomas Parigi), Jacky Caillou brille par la croyance que Lucas Delangle insuffle dans son film. Avec un vrai dépouillement qui confine à l’ascèse stylistique, le film déploie un univers où s’entrechoquent teen movie rural, film fantastique et déférence au cinéma d’Alain Guiraudie. Il se déploie avec une délicatesse et une audace rares pour une première œuvre.
Le résultat est à la fois sûr de lui, solidement ancré dans son sujet mais aussi ouvert aux quatre vents. Comme dans de nombreux films français de ces dernières années, il est question de jeunesse abandonnée en région, d’un besoin de réenchantement du monde par le rituel et d’une surconscience de la mort.
Là où il nous convainc un peu moins, c’est dans une forme de malaise avec la sensualité justement. Quand Alain Guiraudie filme les corps comme personne, Lucas Delangle semble vouloir l’imiter, sans vraiment y parvenir. On ressent une forme de gêne lorsqu’il s’agit de filmer la chair. Elle parasite le film mais finit par le doter d’un sous-texte sur la féminité, assez cohérent : l’impétueux et inapprivoisable mystère du féminin vu à travers les yeux d’un jeune ravi de la crèche. Il faut bien que Jacky Caillou soit un film un peu guérisseur pour arriver à transformer ce menu défaut en qualité.
Jacky Caillou de Lucas Delangle, actuellement en salles.