Thriller ludique et écrin avantageux pour un acteur hors norme : welcome to the Tom Cruise’s Show.
Se lassera-t-on un jour du “Cruise Show”, ce fascinant ride sans ride qui, depuis trois décennies, nous laisse sur les rotules, abasourdi ? “Tout le monde court”, disait le chief Anderton de Minority Report, mais Tom Cruise plus que les autres ; et depuis quelques films il ne fait plus que ça, courir après des images fuyantes : une patte de lapin/MacGuffin dans M:I:III, son propre mythe dans Night and Day, des mirages et des fantômes dans M:I Protocole fantôme. Dans cet ordre quasi sisyphien, où la montagne est remplacée par une pente à dévaler, Jack Reacher fait figure
de légère évolution : rien ne sert plus de courir, il faut désormais partir à point.
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Moins tortue que lion – fauve réputé pour sa sagesse, dont Cruise arbore désormais la fameuse ride, sa seule et unique, entre les deux yeux –, l’animal cherche à ne pas s’épuiser, à être au bon endroit au bon moment, déjà là quand l’action débute, déjà ailleurs quand elle se termine.
Aussi, lorsqu’un ancien sniper, accusé à tort d’un quintuple meurtre, demande que soit appelé, pour sa défense, le mystérieux Jack Reacher, ce dernier apparaît presque aussitôt dans le champ, de façon gaguesque : “Quelqu’un m’a appelé ?”
Tiré d’un roman de gare de Lee Child – dont Cruise a acheté les droits de plusieurs épisodes pour lancer une franchise si celui-ci marche –, le héros éponyme est un superjusticier, ex-enquêteur dans l’armée US reconverti en Samaritain badass, sorte de Steven Seagal avec plein de neurones.
Autour d’une intrigue grotesque et incompréhensible (en gros, La Firme en plus LOL), Christopher McQuarrie (scénariste de Usual Suspects, Walkyrie, M:I Protocole fantôme, et réalisateur, en 2000, de Way of the Gun) construit une cathédrale baroque dont la charpente ne repose que sur les épaules de son surhomme chéri.
Chaque scène – même prendre un café – est ainsi un morceau de bravoure, chaque dialogue une punchline. Le méchant, joué par Werner Herzog (!), semble être le diable incarné, une réminiscence de Keyzer Söze, mais ses motivations sont ridiculement faibles, etc. Or ce sentiment de “tout ça pour ça”, qui serait fatal à tout autre, se révèle un formidable écrin pour Cruise.
Sachant exploiter au mieux les aspects ludiques voire bouffons de sa série B en surchauffe, l’acteur fait ses plus belles acrobaties sans jamais chuter. Même en cage au milieu d’un cirque, le lion se débrouille toujours pour être le roi.
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