Enfant, je tournais des films super-8 en improvisant. Aujourd’hui, je fais Mission: Impossible. Entre les deux, j’ai créé des séries. Pour moi, seule l’échelle est différente.” Presque 40 ans, un visage d’ado : J. J. Abrams est le nouveau prince de Hollywood. Il s’est fait un nom avec des séries aux fils narratifs brillamment tissés […]
Enfant, je tournais des films super-8 en improvisant. Aujourd’hui, je fais Mission: Impossible. Entre les deux, j’ai créé des séries. Pour moi, seule l’échelle est différente. » Presque 40 ans, un visage d’ado : J. J. Abrams est le nouveau prince de Hollywood. Il s’est fait un nom avec des séries aux fils narratifs brillamment tissés (Felicity, Alias, Lost) avant d’être sollicité par Tom Cruise pour reprendre en main l’énorme machine M:I:III. Toujours au c’ur des hybridations ciné/TV, son projet actuel est d’adapter la série Star Trek sur grand écran. Rencontre.
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Vous vous êtes emparé de la franchise Mission: Impossible pour en faire votre objet, On y retrouve des éléments des deux autres films, mais surtout des motifs de vos séries.
Je ne voulais pas que les deux premiers épisodes soient la base de mon film, sans non plus les nier. J’en ai laissé quelques traces qui sont des souvenirs de spectateurs. Et surtout, j’ai envisagé Ethan Hunt comme un personnage de série, ce qu’il est puisqu’il a désormais dix ans d’existence au cinéma. Je me suis souvenu que dans le premier film, il était fait mention que ses parents sont morts. Il a un passé. Je me suis glissé dans cette faille pour transformer cette figure de film d’action stoïque en quelque chose de différent.
S’agissait-il de ramener un principe narratif fort dans le monde des blockbusters, qui ont un peu déserté le champ des histoires et des récits, laissant le champ libre dans ce domaine aux séries ?
J’ai voulu créer un personnage qui n’est ni un héros-objet ni un corps transparent. Je souhaitais que l’action et le suspense soient renforcés par une émotion. Pour ne pas reposer juste sur le suspense comme Brian De Palma l’a fait brillamment pour le premier film, ou juste sur l’action comme dans le deuxième, réalisé par John Woo. Je n’aime pas les formes rigides. Mes films hollywoodiens préférés sont les blockbusters de la première génération, comme Les Dents de la mer, Alien ou Piège de cristal. Dépasser la réalité mais rester à hauteur du spectateur, voilà ce qui me passionne au cinéma. Mais je l’ai peut-être appris à la télévision.
Avez-vous pour ambition de redéfinir le héros hollywoodien ? Dans M:I:III, on ressent la douleur d’Ethan Hunt pour la première fois. Cela, vous l’avez pris aux séries, à l’attachement que l’on peut avoir pour un personnage et son chemin de croix. Alias fonctionnait ainsi.
Après être passé par les séries, ma façon de voir le héros hollywoodien a changé. J’en attends une vulnérabilité. J’ai fait de Ethan Hunt ce que j’avais fait de Sydney Bristow dans Alias : pas juste un espion mais une personne. Même si Tom Cruise est une superstar iconique, j’ai tenté de dépasser cette image en ouvrant le film par une scène qui le montre affaibli, apeuré. En tant qu’acteur-producteur, Tom aurait pu tout faire pour jouer monsieur cool. Mais il n’en avait aucune envie, il voulait vraiment que son personnage souffre.
Comment avez-vous abordé le passage de la télé au cinéma, alors que votre expérience de réalisateur était minime ?
En arrivant sur le projet après deux cinéastes virtuoses, je me suis dit : mais quel est mon style ? Pour éviter de fabriquer une esthétique comme on met de la sauce sur un plat, il fallait que cela vienne de loin. Alors, plutôt que d’envisager le film globalement, j’ai préféré faire comme dans une série, regarder chaque scène séparément, et trouver la façon la plus légitime d’en transmettre la puissance. C’était pareil en réalisant les pilotes de Alias et de Lost. Mais les choses vont dans les deux sens. Comme j’ai voulu apporter le sentiment des personnages au cinéma, mon désir a toujours été de faire des séries avec quelque chose de filmique. A la télé, j’aime apporter un feeling proche du Scope. Le pilote de Lost était d’ailleurs presque un film. Nous sommes quelques-uns à avoir cette approche. Je suis frustré que ABC diffuse encore Lost en format carré, le 16/9 est tellement plus intéressant… Le DVD rend justice à notre travail.
Etre moderne à Hollywood, est-ce passer indifféremment du cinéma à la télévision ?
Aujourd’hui, naviguer de l’un à l’autre est un idéal créatif, même s’il ne faut pas oublier que ce sont deux médias différents. L’attachement à des trajectoires qui durent est spécifique à la télévision. C’est un challenge génial. Mais j’ai eu une satisfaction égale à faire une histoire de deux heures entièrement bouclée. Cela dit, il n’est pas question maintenant de laisser tomber la télé sous prétexte que le cinéma m’a accueilli. Pour moi, cinéma et télévision sont tout aussi importants.
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