Punk, le bus de la tournée américaine des Sex Pistols, affichait “Nowhere” comme destination, et “DOA” (dead on arrival : mort à l’arrivée) comme promesse. Les documentaires de Lech Kowalski ressemblent à ce bus de tournée : savent pas où ils vont. En raison de son incapacité inhérente, sinon son refus, à formuler un quelconque […]
Punk, le bus de la tournée américaine des Sex Pistols, affichait “Nowhere” comme destination, et “DOA” (dead on arrival : mort à l’arrivée) comme promesse. Les documentaires de Lech Kowalski ressemblent à ce bus de tournée : savent pas où ils vont. En raison de son incapacité inhérente, sinon son refus, à formuler un quelconque discours sur les vies qu’il accompagne, Lech Kowalski, Anglais d’origine polonaise exilé à New York (où il fit le va-et-vient entre petits boulots dans le porno et une existence de punk-rockeur accroché), a payé cher question reconnaissance une pratique foutraque du documentaire, à mille lieues des praxis appréciées en France. Infichu de subsumer son sujet, alignant des plans à peine cadrés (ça ne s’est pas arrangé depuis qu’il tourne en DV), et achevant le cadavre en montant ses séquences de façon absolument abracadabrante.
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Trois décennies d’amateurisme : Kowalski n’a pas été un proche des Ramones pour rien. Son credo, ce n’est pas le discours surplombant, mais plutôt “sauve qui peut (la vie)”. Des films pour partager des existences au bord de l’implosion : un garagiste chicano venu s’offrir une séance de douleur consentie avec une maîtresse SM, un nazillon américain converti à l’islam après avoir perdu une jambe en Tchétchénie, des sans-abri new-yorkais organisés en réunion, des gosses dans Kaboul décimé à qui l’on montre des Charlot. Des existences qui ne tiennent plus qu’à un fil. Collant à la ligne chaotique de leur sujet, les films ne font jamais semblant d’être en mesure de donner le change question maîtrise : si l’on devait les comparer, ce serait à des morceaux de murs lépreux venus s’effriter accidentellement devant la caméra. Kowalski filme depuis les lointains bleus : ça n’aide pas à faire le point.
Dans la minirétrospective que lui consacrent les Rencontres internationales de cinéma à Paris, on recommandera avant tout ses deux films sur le punk : DOA, devenu un classique malgré lui (notamment pour son ouverture dévisageant les gueules à l’entrée d’un concert des Pistols) et une vraie bizarrerie : Born to Lose – The Last Rock’n’Roll Movie. Soit le portrait d’une viande avariée et verdâtre, les bras recouverts de crevasses : oui, un film sur Johnny Thunders, de la flamboyance à la déchéance, qui aurait pu s’intituler “Too much junkie business ou la descente comme rituel quotidien”. En 1 heure 50, il y a là les plus belles séquences sur Johnny Tonnerre (dont une version fascinante de I’d Rather Be with the Boys jouée acoustique dans un hôtel de passe, entouré de reines de la nuit) et les pires (les photos de sa dernière séance de tatouage à Bangkok en 1989 !).
Dommage que les Rencontres n’aient pas ajouté à cette sélection East of Paradise, autoportrait de 2004 qui sème la polémique partout où il passe : Kowalski y enchaîne le récit du calvaire de sa mère, survivante des camps russes, et son propre Golgotha de junkie. A-t-on le droit de monter un tel parallèle ? Une telle succession force-t-elle ou pas le sens ? Un documentariste sans réponse est-il un moins bon documentariste ?
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