Ce printemps, elle est à l’affiche du superbe « L’avenir » de Mia Hansen-Love. Sur scène, on peut la voir, tous les soirs au Théâtre de l’Odéon, déployer la démesure de son génie dans Phèdre(s) de Krzystof Warlikowski. En mai, on la retrouvera à Cannes dans « Elle », marquant le grand retour de Paul Verhoeven (« Basic Instinct », « Starship trooper ») après dix ans d’absence. Retour sur les temps forts d’une carrière hors-normes, brassant les plus grands cinéastes français et internationaux, ert multipliant les performances les plus ahurissantes.
2016 – Phèdre(s) de Krzysztof Warlikowski
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C’est du théâtre, oui, mais c’est un rôle incontournable. Et les retrouvailles avec l’un des deux ou trois plus grands hommes de théatre au monde, le polonais Warlikovski, six après leur rencontre pour Un tramway, adpatation déjà très libre de Tennessee Williams. Dans Phèdre(s), sur des textes de Wajdi Mouawad, Sarah Kane, JM Coetzee et bien sûr Jean Racine, l’actrice livre une partition totale, trois heures de tirades, de transformisme, de mise à nu et de performance physique. Tour à tour blonde, rousse, déesse, star, amante, sorcière, intellectuelle, maman et putain, Huppert passe par tous les états de comédienne et de femme. Stupéfiant.
2015 – Valley of love de Guillaume Nicloux
Près de quarante ans après le Loulou de Pialat, retrouvailles Huppert Depardieu dans la chaleur accablante de la Vallée de la mort. Elle y alterne virtuosité technique et pure présence.
2014 – Abus de faiblesse de Catherine Breillat
Ce récit autobiographique donne lieu à une nouvelle performance incroyable. L’actrice y incarne un double de la cinéaste Catherine Breillat, après l’accident cérébral qui l’a rendue hémiplégique. Kool Shen y incarne un escroc inspiré de Christophe de Rocancourt, soupçonné de l’avoir escroquée. Stylisant l’infirmité de façon presque chorégraphique, Huppert mixe création du personnage et mimétisme avec la réalisatrice, faiblesse physique et force de caractère, état amoureux et résistance féministe.
2013 – Tip top de Serge Bozon
https://www.youtube.com/watch?v=jThGqcxaTCM&nohtml5=False
Sous le regard humoristique très singulier de Bozon, Huppert est géniale, composant un personnage autoritariste dans le boulot mais aimant prendre des coups au lit. La façon dont elle lèche un goutte de sang qui lui perle du nez est un moment de jeu, de burlesque et de cinéma assez unique.
2012 – In another country de Hong Sang-soo
Tout au long de sa carrière, Huppert ne s’est jamais contenté des rôles dans le cinéma français du milieu mais a tenté toutes les expériences dans d’autres cinémas et d’autres pays. Comme ici, où elle est au centre d’une triple histoire, dans un film et un pays dont elle ne maîtrise ni la langue ni les codes sociaux. Et où elle excelle justement par son étrangeté. Femme brindille trottinant sur les plages coréennes, elle n’a jamais paru aussi cocasse, légère, adoucie que chez Hong Song Soo.
2009 – White material de Claire Denis
Lâchée au milieu d’une zone de guerre africaine, l’actrice est incandescente d’énergie physique et de combativité. Une guerrière.
2002 – Huit femmes de François Ozon
Souvent abonnée à des rôles dramatiques, Huppert excelle aussi dans le comique comme elle le prouve dans ce film d’Ozon où elle campe une vieille fille rigide hilarante.
2001 – La Pianiste de Michael Haneke
Dans ce rôle strident, bergmanien, l’actrice fait mijoter un feu bouillant sous la glace des apparences sociales de la bourgeoisie autrichienne. Le film lui permet d’obtenir son deuxième Prix d’intérprétation féminine à Cannes (23 ans après celui obtenu pour Violette Noziere de Chabrol).
2000 – Merci pour le chocolat de Claude Chabrol
Pas facile de choisir dans l’imposante filmo de la comédienne, et pas facile non plus de choisir un Chabrol. On a retenu celui-ci pour son ambiguité morale, ses incertitudes et sa discrète virtuosité hitchcockienne. Et parce qu’Huppert joue magnifiquement celle qui « cache son jeu ».
1995 – La Cérémonie de Claude Chabrol
https://www.youtube.com/watch?v=ptUR0ykAcFU
Encore un Chabrol. Mais dans celui-ci Huppert opère un travail à l’opposé de Merci pour le chocolat en incarnant une prolo extravertie et revancharde jusqu’à la folie et la criminalité. Flanquée de deux nattes de petite fille inquitante, elle part carabine au poing se venger des inégalités sociales. Elle obtient pour ce film le seul César de sa carrière (en dépit de 15 nominations). Et également, à égalité avec sa partenaire Sandrine Bonnaire, le Prix d’interprétation féminine au festival de Venise.
1991 – Malina de Werner Schroeter
Dans l’univers baroque de ce grand cinéaste allemand, Huppert est utilisée comme l’icône et la star qu’elle est. Dans le rôle d’une femme poétesse écartelée entre son mari et son amant, elle glisse doucement dans la folie, tandis que la mise en scène de Schroeter accompagne ses torsions mentales de toute la puissance opératique de son film. On oubliera pas ses déambulations dans un appartement qui n’en finit pas de brûler.
1988 – Une affaire de femmes de Claude Chabrol
https://www.youtube.com/watch?v=o33u3cM4cFg
Troisième et dernier Chabrol, ce film historique, naturaliste et politique où Huppert joue une femme du peuple, avorteuse sous Vichy et qui finit guillotinée. Outre que l’actrice y est magnifique, ce film pourrait hélas retrouver sa vigueur politique à l’heure de la manif’ pour tous et du retour de la réaction.
1981 – Coup de torchon de Bertrand Tavernier
Dans ce film malaisant sur le colonialisme, Huppert se distingue par son rôle comique, tout en gouaille bravache. Sa façon atone, plate, dévitalisée, de dire « oh ! je jouis » tandis que Noiret s’agite sous elle, vaut le plus grand éclat de rire du film.
1980 – La Porte du paradis de Michael Cimino
Huppert était là et bien là, dans ce film historiquement connu comme l’un des plus grands désastres du box-office américain qui contribua à la chute du studio United Artists. Film splendide, reconnu par la postérité comme un phare du cinéma américain de son temps, où Huppert rayonne comme l’incarnation de l’amour, de l’érotisme et de la pulsion de vie dans un Ouest raciste, sauvage et sanglant.
1980 – Loulou de Maurice Pialat
Avant de « partir faire du patin à roulettes en Amérique » selon les mots de Pialat (mécontent de que l’actrice quitte son tournage, débordant des dates prévues, au profit du film de Cimino), Huppert était géniale dans ce film à teneur autobiographique, en bourgeoise attirée par l’énergie sexuelle du bad boy Loulou. L’alchimie entre elle, Depardieu et le regard sensible et brut de Pialat fonctionne à merveille.
1980 – Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard
Après Cimino et Pialat, Godard : quel millésime pour Huppert ! Encore un film et un rôle inoubliables. Dans ce portrait pré-houellebecquien d’une société où les affects et la sexualité sont déterminées par les rouages du capitalisme, Huppert est une pute qui apprend à sa sœur les techniques ultra sophistiquées pour faire jouir les hommes.
1979 – Les sœurs Brontë de André Téchiné
Pas forcément le plus marquant de la filmo d’Huppert mais celui où elle côtoie celle qui fut brièvement sa grande rivale : Isabelle Adjani. Résultat du match, égalité. Dommage que cet alignement des stars soit demeuré unique, on aurait tellement aimé le voir se reproduire, sous le regard de Téchiné ou d’autres cinéastes.
1977 – La Dentellière de Claude Goretta
https://www.youtube.com/watch?v=vzkjNod3vEw
Pas un immense film mais un immense succès à l’époque et le rôle qui a défini une des plus durables des Huppert’s touch : la femme qui souffre, qui ne dit pas grand-chose et dont les affects sont tout en intériorité.
1974 – Les valseuses de Bertrand Blier
Après avoir essayé vainement de faire jouir Miou Miou, Depardieu et Dewaere croisent sur leur route une jeune rouquine, fille de vacanciers, en révolte contre l’autorité paternelle et qui décide de se faire joyeusement dépuceler. Cette jeune fille qui décide d’aimer le sexe, de ne surtout pas en faire une instance de culpabilité ou de souffrance, c’est Huppert, à l’aube d’une carrière que personne à l’époque n’imaginait aussi belle, durable et puissante. Sauf elle, peut-être.
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