Si Sam Raimi revient au fantastique, il n’en renoue pas pour autant avec le ludisme frénétique et la surenchère d’effets des Evil Dead et autres Darkman. C’est qu’il a su tirer la leçon d’Un plan simple, son meilleur film à ce jour, logique et dépouillé. Ainsi Intuitions, thriller mâtiné de surnaturel, tout en respectant le […]
Si Sam Raimi revient au fantastique, il n’en renoue pas pour autant avec le ludisme frénétique et la surenchère d’effets des Evil Dead et autres Darkman. C’est qu’il a su tirer la leçon d’Un plan simple, son meilleur film à ce jour, logique et dépouillé. Ainsi Intuitions, thriller mâtiné de surnaturel, tout en respectant le folklore du gothique sudiste, sait tirer le meilleur parti de ses paysages marécageux comme naguère Raimi avait mis en valeur les champs de neige du Midwest. Cet espace a beau être fortement codé et connoté, il existe davantage que lorsqu’une caméra atteinte de bougeotte en dynamitait la perception. Et la suggestion de l’arrière-monde des fantômes est joliment et intelligemment traitée comme un dédoublement inversé des choses : le ciel et la terre, les arbres et les eaux échangent leur position. Autres bonnes surprises : le sens du contre-emploi (un Keanu Reeves empâté et hirsute en redneck bondieusard et violent), et surtout un art occasionnel de la sourdine qui doit sans doute beaucoup à Sixième Sens, tant Intuitions, par-delà la prolifération familière des mauvais pères, est lui aussi au fond l’histoire d’un travail de deuil. Certes, le film n’est pas exempt de scories : alors que les fantômes ne sont jamais aussi convaincants que lorsqu’ils apparaissent prosaïquement et sans crier gare, les flashes blancs et effets sonores grossiers qui accompagnent certaines visions relèvent d’un stéréotype télévisuel usé jusqu’à la trame. Le film pourrait d’ailleurs être une excroissance de la série American Gothic produite par Raimi, et dont on retrouve Gary Cole, l’interprète du shérif maléfique. Moins réussi et plus mineur qu’ (base-ball oblige, j’avoue avoir boycotté le suivant, Pour l’amour du jeu), Intuitions, malgré ses défauts et limites indéniables, confirme tout de même que son exploration des americana ouvre à Raimi une seconde carrière prometteuse. Le titre original du film, The Gift, fait référence au don de voyance de l’héroïne. Le don du cinéaste, quant à lui, réside décidément moins dans le tape-à-l’œil que dans la retenue.
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