Le cinéaste coréen organise la rencontre entre deux générations, dans un nouvel opus où triomphent l’espoir et la vitalité.
On ne découvre pas un film de Hong Sang-soo comme n’importe quel nouveau-né d’un cinéaste. La productivité effrénée de son cinéma (au moins deux livraisons par an depuis 2017) et l’immuabilité de ses motifs rapprochent la réception de ses films d’un ami de longue date à qui l’on rendrait visite plusieurs fois dans l’année, selon un rituel minutieusement établi.
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Les retrouvailles paraissent toujours les mêmes (les images de ses films se mélangent et se fondent en un souvenir commun), mais offrent toujours une nouvelle variation selon les humeurs et les agissements du temps. Comme un peintre qui animerait un même paysage d’une palette chromatique toujours sensiblement différente.
Le récit d’une apparition
Sobrement intitulées Introduction, ces retrouvailles portent admirablement leur nom, tant elles semblent ouvrir un nouveau cycle dans la filmographie du Coréen. Succédant à deux sublimes tableaux sur l’effacement (la mort dans Hotel by the River, 2018, et le départ d’un mari dans La Femme qui s’est enfuie, 2020), ce nouvel opus est, quant à lui, le récit d’une apparition.
https://www.youtube.com/watch?v=s99Ih3yo0pI
C’est le visage de l’acteur Shin Seokho qui, anciennement relégué à des rôles satellites dans les films de Hong, est projeté au centre de l’image. Si ce dernier a beau allumer frénétiquement cigarette sur cigarette, comme toute figure hongienne qui se respecte, son visage porte encore les traits de l’enfance. L’air candide, la démarche encore incertaine, sa vie oscille entre ses espoirs de devenir acteur et une histoire d’amour avec une petite amie (Mi-so Park) partie étudier à Berlin.
Cette cure de jouvence n’a l’air de rien, mais elle opère une véritable mutation dans l’œuvre récente de Hong. Scrutant dernièrement les incertitudes sentimentales et existentielles de personnages au moins trentenaires, son cinéma se départait d’une certaine jeunesse (quand il était autrefois essentiellement peuplé de personnages d’étudiant·es ou tout juste diplômés).
Mélancolie ouatée
Ce qui est si beau et vivifiant ici, c’est la façon dont le cinéaste va porter à nouveau sa caméra du côté des jeunes et y opposer la figure des aîné·es, surtout des hommes, dépassé·es et languides, qui ont pu habiter sa filmographie (son fidèle acteur Ki Joo-bong joue un comédien célèbre particulièrement porté sur la bouteille, sorte d’incarnation outrancière des personnages hongiens de jadis).
Celles et ceux pour qui le temps est encore un fidèle allié, et l’avenir, une rive lointaine porteuse des plus grands espoirs
Telle une repigmentation de son cinéma, la mélancolie ouatée du Coréen demeure intacte, les regrets et les amours perdues persistent, mais c’est le frétillement de la jeunesse qui triomphe. Celles et ceux pour qui le temps est encore un fidèle allié, et l’avenir, une rive lointaine porteuse des plus grands espoirs. Et même lorsqu’une présence onirique est frappée d’un deuil amoureux qu’elle croit éternel, une voix douce, déjà passée par là, lui glisse délicatement à l’oreille le plus fertile des conseils : “On guérit de choses plus graves. Tu t’en sortiras.”
Introduction de Hong Sang-soo, avec Shin Seokho, Mi-so Park, Kim Young-Ho (Cor., 2021, 1 h 06). En salle le 2 février.
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