Innocence de Zeki Demirkubuz – Aller vers le soleil de Yesim Ustaoglu. Deux films en butte à une société prompte à laminer les écarts ou les différences de ses enfants. Deux facettes inverses de la résistance. Le réalisateur d’Innocence, en contrepoint au simulacre déversé par la télévision, prône le repli sur soi, au risque de […]
Innocence de Zeki Demirkubuz – Aller vers le soleil de Yesim Ustaoglu. Deux films en butte à une société prompte à laminer les écarts ou les différences de ses enfants. Deux facettes inverses de la résistance. Le réalisateur d’Innocence, en contrepoint au simulacre déversé par la télévision, prône le repli sur soi, au risque de s’enferrer dans la prostration et l’étouffement. Sombre, statique, plombé, déchiré de cris d’hystérie, son film, d’une complaisance difficilement supportable, agresse continuellement le spectateur et l’enjoint à aller, avec lui, se fracasser sur les parois d’un avenir bouché. On est en droit de juger ça irrecevable. Trop laid, trop douloureux, trop suicidaire !
Le souffle qui habite Aller vers le soleil ne nous ravit alors que plus. « Comment repérer le début d’un cauchemar ? », s’interroge Mehmet, qui n’a rien vu venir. Comment s’en extraire aussi, et surtout. Sa peau basanée assimile le jeune homme à un Kurde. Délit de faciès qu’un contrôle de police précipitera dans l’engrenage, machine à broyer les libertés. Yesim Ustaoglu, pas plus kurde que son héros, est une des premières à aborder de front le problème de cette minorité (un cinquième de la population turque, tout de même) et son film n’enchante guère les autorités. Il faut, après le bon accueil qu’il a reçu à Berlin, lui renouveler notre soutien. Pour conter la survie à Istanbul de Mehmet, Arzu et Berzan, Kurde marchand de cassettes, pour contrer les images d’actualités qui rendent compte de la répression du peuple, la réalisatrice réaffirme dans chacun de ses plans que le cinéma est aussi une arme, un instrument de pacification. Sensibles, fluides, aérées et justes, ses images sont portées par une audace et un élan qui jamais ne se démentent, par une mise en scène réfractaire à l’engluement, revendicatrice mais jamais ostentatoire. Les trente dernières minutes de son film prennent ainsi le large et accompagnent Mehmet traversant le pays d’ouest en est pour ramener le corps de Berzan dans son village natal, à la frontière irakienne. Où est la maison de mon ami ? Engloutie, comme toutes celles de Zorduç ou d’autres hameaux, brûlés, évacués par l’armée. L’issue est toujours incertaine, le combat d’autant plus nécessaire. Et la vie continue. Yesim Ustaoglu, cinéaste éminemment politique. Bientôt indispensable ?
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