À l’occasion d’une rétrospective des ses films au Goethe Institut et de deux concerts parisiens, conversation pétillante avec l’icône Ingrid Caven, actrice, chanteuse et prix Goncourt drôle et vivante.
Ingrid Caven est une figure multiple. Actrice, elle fut l’icône de ce nouveau cinéma allemand qui déferla sur les écrans dans les années 70. Elle a tourné une quinzaine de films avec Rainer Werner Fassbinder, qui fut aussi son époux. Elle fut l’icône de Daniel Schmidt (La Paloma,1974, L’Ombre des anges 1976) et des flamboiements baroques de Werner Schroeter (La Mort de Maria Malibran 1972, Le Jour des idiots 1976). Chanteuse, elle est entrée dans la légende avec un mythique tour de chant parisien au Pigall’s, pour lequel Saint Laurent cousit sur elle une robe-fourreau.
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Enfin, à l’orée des années 2000, elle devient un prix Goncourt et un best-seller par les soins de son compagnon Jean-Jacques Schuhl, qui déroule avec fièvre sa légende dans le magnifique Ingrid Caven. À l’occasion d’une rétrospective des ses films au Goethe Institut et de deux concerts parisiens, conversation pétillante avec une icône qui a su rester drôle et vivante.
Ingrid Caven – Jean-Jacques Schuhl et moi venons d’une époque où il n’était pas possible de parler de soi-même sans parler de l’Histoire, sans penser à un projet politique. Le narcissisme est nécessaire à la construction d’un travail artistique. Mais on ne peut pas dire « moi, moi, moi« . À moment donné, il faut aussi penser « nous ».
Justement, que diriez-vous de ce moment historique particulier que vous avez traversé, vous, Fassbinder, Schroeter, consistant à être un citoyen allemand né pendant ou juste après la Seconde Guerre mondiale ?
Quand j’étais enfant, les adultes travaillaient plutôt à dissimuler l’horreur de ce qu’il s’est passé. Mais on peut difficilement tromper un enfant. Je me suis forgé mes propres images d’horreur, construites à partir de bribes récoltées dans des conversations d’adultes. La première image que je me suis représentée est une vision horrible, celle d’enfants emmenés dans une forêt pour être jetés morts dans un grand trou. Tout à coup, penser que même les enfants n’échappaient pas à cette abomination fomentée par des adultes, ça m’a frappée avec une violence insensée. Quand j’ai grandi, adolescente, je suis tombée très malade. Je n’ai pas compris tout de suite que c’était peut-être liée avec le poids de l’histoire, avec le refoulement par tout un pays de ce qu’il avait commis. Il a fallu que j’entreprenne une analyse pour faire le lien.
En tant qu’Allemand, qu’on le veuille ou non, on appartient à la population qui a contribué à ça. Mes parents n’avaient pas leur carte au parti nazi, mais mon père était soldat pendant la guerre. Heureusement, il était dans la marine. Il était quand même officier. La base, c’est quand même ça.
En même temps, être né dans un pays qui s’effondre, ça contribue sûrement à donner le goût de la liberté. Enfant, j’ai joué dans les décombres de villes rasées. Cette proximité avec le désastre vous apprend quelque chose de précieux sur la vie. Ça m’a transmis une certaine vitalité. Ça a développé des énergies, une façon de partir des ruines pour toucher à la vie, la vie, la vie.
A quelle âge avez-vous fait une analyse?
Assez jeune, mais je n’ai fait qu’un an et demi. Ce n’est pas assez. Il faut dire qu’ensuite j’ai vécu avec l’analyste (rires). Il était très connu, ce n’était pas une histoire simple. J’ai d’abord entendu sa voix à la radio : il avait traduit Camus en allemand. J’étais étudiante, je lisais Freud parce que je trouvais ça magnifique, mais je pensais ne pas avoir besoin d’analyse. Parce que j’étais artiste et que ça me paraissait la bonne façon de travailler sur soi. J’ai eu la curiosité d’aller voir un cabinet, et c’était lui l’analyste. Quelque chose m’a intéressée tout de suite. Puis j’ai eu une attaque de paralysie et j’ai commencé le travail analytique. Cela m’a sauvée de mes tendances suicidaires.
Dans Ingrid Caven, Jean-Jacques Schuhl raconte, au début du livre, qu’on vous réveille la nuit, l’année de vos 4 ans, pour aller chanter dans un banquet de soldats nazis. Ce type d’images vous est revenu en analyse.
C’est en tout cas un épisode que j’avais oublié. Ça m’est revenu en parlant avec Jean-Jacques. Parce que c’est quelqu’un qui sait écouter, dans un monde où plus personne n’a envie de le faire. Écouter, c’est devenu quelque chose d’horrible pour les gens. Personne n’a plus envie de le faire. (rires)
Est-ce que vous, les figures du jeune cinéma allemand, vous sentiez rassemblés par un projet formel commun?
Oui, bien sûr. Il y avait en nous une envie de casser beaucoup de cadres – politiques, sociaux, certains comportements… On pensait qu’il fallait en finir avec l’hypocrisie nationale. Dans les années 60, il y avait encore des postes importants dans l’Etat, dans la justice, tenus par des anciens responsables nazis. Ça nous paraissait inadmissible. Il nous fallait en finir avec ce monde. On croyait vraiment – ce qui peut faire rire aujourd’hui – qu’on pouvait changer les choses. Nous fréquentions aussi des activistes. J’ai connu Ulrike Meinhoff (activiste de la Fraction armée rouge – ndlr), par exemple, qui était une très bonne journaliste avant de passer à la lutte armée. Peut-être avons nous pensé a Nietzsche qui dit qu’à trop s’approcher du gouffre, on tombe. Mais quand ces gens ont basculé dans le terrorisme, nous n’avons pas suivi.
Nous menions aussi un travail de sape, mais à travers des formes artistiques. Et puis nous nous sentions obligés aussi de vivre au plus près de ce qui était notre création. Que la vie et les œuvres se ressemblent. De ne surtout pas faire des films de révolte en vivant comme des bourgeois. Et ça nous ne le réussissions pas toujours.
En quoi pensez-vous avoir en partie échoué ?
Rainer Werner était le premier à reconduire dans sa vie, et plus particulièrement dans sa vie avec moi, des principes très archaïques. Nous étions mariés et il ne voulait pas que sa femme travaille par exemple.
On parle souvent aujourd hui pour décrire ses collaborateurs de “la troupe de Fassbinder”. Mais même s’il réutilisait les mêmes actrices comme Hanna Schygulla ou Margit Carstensen, il ne les voyait pas en dehors des tournages. Elles étaient essentielles pour son travail, Hannah était même la plus importante. Mais il n’a jamais dîné un soir avec elle. Ne pas les voir dans la vie était probablement la condition pour qu’il puisse tant projeter sur eux.
Une fois, lors d’une tournée théâtrale, Rainer et moi avons aperçu Hannah seule dans un restaurant. Rainer n’avait pas envie qu’elle nous rejoigne. J’avais pitié, j’ai insisté. Lui avait besoin de cette distance. Il aimait aussi chez Hanna et Margit leur côté “petites bourgeoises”, dont il avait besoin pour nourrir sa vision de la société allemande. Moi j’étais très loin de ce modèle féminin. J’étais politisée. Je n’étais pas son idéal d’actrice. Il trouvait mon jeu trop intellectuel. Je n’étais pas une actrice propre à devenir sa matière.
Vous, vous partagiez sa vie, mais vous ne faites que traverser ses films, souvent dans des rôles assez courts. Et vos rôles les plus importants datent d’après votre divorce, comme par exemple L’Année des 13 lunes.
Oui j’ai été surprise qu’il continue à me donner des rôles après le divorce, et plutôt plus importants qu’au début. J’ai beaucoup aimé tourner L’Année des 13 lunes. C’est le film où il a vraiment capturé quelque chose de moi.
Avec Daniel Schmidt, vous partagiez plus d’affinités artistiques ?
Oui vraiment. Même si je trouve l’œuvre de Rainer absolument magnifique et que je l’admirais énormément, ça m’intéressait plus de participer à celle de Daniel Schmidt. Parce qu’on cherchait ensemble, il y avait un échange dans le travail. Alors qu’avec Rainer, il fallait accepter d’être sa poupée. D’ailleurs, il ne voulait pas que je travaille. Quand nous vivions ensemble, il faisait tout pour m’empêcher de voir Daniel (Schmidt), il ne voulait pas que je tourne La Paloma.
Quelle connaissance aviez-vous de son homosexualité ?
Ah totale, dès le début. Quand nous nous sommes rencontrés, on faisait la fête ensemble, on s’amusait follement, on parlait beaucoup aussi. Je m’acheminais vers une histoire d’amitié car comme je savais qu’il était homosexuel, je ne pensais pas qu’il pouvait être attiré sexuellement par moi. Jusqu’au jour, où il m’a proposé de dormir avec lui. A l’époque, je couchais avec n’importe qui. Ou presque (rires).
J’ai fait toutes sortes d’expériences, avec des hommes, des femmes. Mais j’avais du mal à dormir avec les gens avec qui je couchais. Rainer avait le même blocage avec les mecs. Mais par contre on aimait bien dormir ensemble. Jusqu’au moment ou ça a basculé. Rainer avait la peau de ma mère, toute blanche, une peau de bébé potelé.
Vous pouviez dormir avec lui parce qu’il vous rassurait. Comme une mère…
Moi aussi je le rassurais! Mais je crois que j’étais plutôt pour lui une figure de père ! (rires)
Quand êtes-vous devenus un couple?
Pour moi, il était homosexuel. C’était peut-être une protection de me dire ça, pour résister à une attirance de plus en plus forte. Lui en revanche a exprimé un désir très fort de fusion. Il me demandait même de l’emmener sur les lieux de drague homos et de l’attendre. Il en avait besoin. Il jouait les machos, tout en cuir, avec son côté pas beau mais très sexy, un peu brutal. Mais il était très enfantin, ça le protégeait de savoir que je l’attendais en voiture. Moi j’étais curieuse de tout, donc ça m’intéressait. Souvent, quand il revenait des buissons, on faisait l’amour dans la voiture. Mais lui était très jaloux. Une fois, nous étions à Paris, et il voulait m’enfermer dans ma chambre d’hôtel pendant qu’il allait draguer au sauna.
Etait-il jaloux des autres cinéastes qui vous faisaient tourner, comme Daniel Schmidt ou Werner Schroeter ?
Oui terriblement! Il voulait m’empêcher de voir Daniel et Werner. Il m’a forcée à refuser le rôle principal de La Lettre écarlate de Wim Wenders… C’est un peu pour ça que j’ai fini par le quitter. Ce fonctionnement n’allait pas. Et dès que je m’éloignais, il faisait une crise de zona. Son rapport à l’autre était maladif. En même temps, on ne peut pas demander à un jeune homme de faire comme lui des dizaines de chefs-d’œuvre en si peu de temps et de se comporter dans la vie comme tout le monde.
Vous avez partagé ensuite un appartement avec Daniel Schmidt ?
Oui apres avoir quitté Rainer, je me suis installée dans un même appartement avec Daniel Schmidt, Werner Schroeter et Magdalena Montezuma (comédienne, égérie de Werner Schroeter, ndlr). Werner et Daniel étaient vraiment de très proches amis.
Dans les films de Daniel Schmidt, de Werner Schroeter, dans une certaine mesure de Fassbinder, il y a une fascination du glamour, mais dans un rapport distancié. Quelque chose qui mélange le cabaret et l’opéra, le grandiose et le kitsch, hanté par le souvenir de stars comme Marlène Dietrich, et qui est peut-être la marque de cette avant-garde allemande des années 70…
C’est lié à la réflexion sur l’Allemagne. Le fascisme a beaucoup flatté le kitsch. Hitler n’aimait pas beaucoup les grandes villes. Il aimait la montagne. Et tout un kitsch à base d’edelweiss, de gros chien, de pastorales montagnardes, des guides de montagnes et des enfants blonds qui cueillent des fleurs. Entre kitsch et sport, c’était l’endroit où les gens devaient vivre. Je ne sais pas pourquoi, on a fait le choix de ne pas laisser tomber ça, mais de le travailler. On a voulu partir du kitsch, le creuser. Il fallait introduire de la distance, que tout soit distancié. Car on se méfiait des émotions tripales, de la manipulation des affects, du pathos. Dans notre esthétique, c’était dégueulasse. Tout ça renvoyait trop aux procédures du fascisme. La structure et la distance, c’est ce qui comptait le plus
Comment avez vous rencontré Jean Eustache, avec qui vous avez tourné en 1974 Mes petites amoureuses?
C’était déjà un très bon ami de Jean-Jacques (Schuhl), mais à l’époque je ne connaissais ni l’un ni l’autre. Il avait vu La Paloma et avait adoré le film. A l’époque, plusieurs amis, dont Bulle Ogier, m’avaient dit : “Jean Eustache cherche à te rencontrer. Fais attention il est très dangereux, il fait souffrir les femmes, certaines se suicident… » Ça me faisait sourire, parce que je connaissais d’autres monstres. Celui-là ne me faisait pas peur. J’avais beaucoup aimé La Maman et la Putain. Et puis un soir à Cannes, il s’est introduit à ma table, ou j’étais avec André Téchiné, Bulle, Maria Schneider, Werner Schroeter… Il m’avait poursuivie jusqu’à ma chambre d’hôtel pour passer la nuit avec moi. Je n’en avais pas envie, je l’ai laissé dans la rue. Et puis quelque temps après, il s’était procuré mon téléphone et il a fait appeler… sa grand-mère ! Qui m’a dit « mon petit-fils a très envie de vous rencontrer. Soyez gentille, dites oui! » (Rires) C’était absurde, mais j’ai dit oui.
J’étais à Sarrebruck, mais je lui ai dit que j’allais bientôt venir a Paris. Elle m’a rappelé en me disant “Jean vient a Sarrebruck”. Je suis allée le chercher à la gare. Il faisait très chaud mais il portait sa veste noire en velours. Il avait à la main un petit bouquet de fleurs. A ce moment-là, il avait gagné. Il m’a ensuite parlé de son projet, Mes petites amoureuses. Il voulait que je joue la mère d’un personnage d’ado inspiré de sa propre adolescence. Je trouvais étrange de prendre une actrice allemande pour ce rôle. Et il m’a répondu : « mais vous n’avez pas lu Brecht ? » (Rires) Ah d’accord. En fait, je trouvais ça très intelligent. J’ai adoré tourner le film. Jean laissait une très grande liberté aux acteurs, la vie et le cinéma se mélangeaient, c’était très beau à vivre de faire Mes petites amoureuses.
Avez vous connu Douglas Sirk lorsque Rainer Werner Fassbinder l’a fréquenté ?
Oui, bien sûr. Mais ses films ne comptaient pas vraiment pour moi. Rainer les adorait. Il pleurait en les voyant. Moi j’étais plus versée dans Godard que Douglas Sirk. Peut-être parce que j’étais une femme, jeune, jolie, et qui voulait être acceptée pour ce qu’elle pense. Donc j’étais attirée par un cinéma plus aride, théorique, radical. Les mélodrames de Sirk me paraissaient trop évidemment féminins, larmoyants à l’époque.
Et pourquoi étiez-vous passionnée par la figure de Marlène Dietrich?
C’était un symbole très fort. Politiquement, elle avait été exemplaire. Elle était la seule femme, star, connue dans le monde entier, à s’être opposée au nazisme, a avoir quitté l’Allemagne. Après, d’un point de vue personnel, je ne peux pas dire qu’elle soit ni mon actrice ni ma chanteuse préférée. Dans les années 70, notamment dans les films de Daniel Schmidt, La Paloma ou L’ombre des anges, on a souvent voulu me tirer vers ça, statuaire, mystérieuse, le regard vague et la voix rauque.
Mais moi ma star absolue des années 30, celle qui me correspondait vraiment, c’était plutôt Mae West ! Je la trouvais moins contrainte, plus vivante. Marlène a eu le génie de voler aux hommes leurs symboles : le chapeau haut de forme, le smoking. Mais moi je ne voulais rien voler aux hommes. Qu’ils gardent tout !
Et quel est votre rapport a la figure du travesti ?
Passée un certain âge, Marlène ressemblait un peu à son propre travesti. C’est le risque de beaucoup d’actrices et de chanteuses travaillant sur le glamour. Moi j ai eu beaucoup d’amis travestis dans ma vie. Les travestis sont mes sŒurs! J’ai aussi été beaucoup imitéE par des travestis. Mais pour moi, je fais attention. J’essaie de ne pas me déguiser en moi-même. J’en parlais avec le cinéaste Adolpho Arrietta (cinéaste argentin exilé à Paris, qui tourna dans les années 70 plusieurs films un peu cultes, Tam-tam, Les Intrigues de Sylvia Cousky, avec des transexuels) et il me disait que lorsqu’on allait à fond dans le travestissement, on n’avait plus besoin de sexe. Je comprends ça, cet autoérotisme qui dépasse le simple narcissisme… Moi à mon âge, je devrais peut etre renoncer complètement a la sexualité, mais je n’ai pas très envie (rires). Mais bon, si je devais le faire, j’irais surement dans cette direction. Jusqu’à la fin de ma vie, je ne laisserai pas tomber le glamour.
Justement, vous venez de tourner un film avec Adolpho Arrietta, qui revient au cinéma après une longue absence. Vous pouvez nous en parler?
Il m’avait proposé d’adapter le grand roman espagnol, La Célestine, ou j’aurais eu le rôle principal. J’étais persuadé qu’il ne trouverait pas sur mon nom l’argent nécessaire à un tel film. Il a essayé mais il n’y est pas parvenu. Alors il a enchaîné sur une adaptation de La Belle au bois dormant, et il m’a proposé le rôle de la fée qui lance le sort qui condamne la belle au sommeil. Dans son mail, il m’a dit : « Tu seras la fée la plus méchante, la plus horrible, la plus mal habillée jamais vue! » Comment dire non? (Rires) J’étais très contente de travailler avec lui. Dans le film jouent aussi Agathe Bonitzer, Niels Schneider, Mathieu Amalric…
Ces dernières années, on vous a vue aussi chez Claire Denis, 35 rhums…
Oui j’étais déstabilisée au debut car je ne comprenais pas du tout comment elle me voyait. Elle m’a montré un tableau, celui d’une femme assez corpulente et elle voulait que je sois lourde, massive. Une beauté du nord. Ce n’était pas évident. Mais elle est arrivée a me transformer. Claire Denis est vraiment une très bonne cinéaste, elle a une écriture très musicale, poétique – pour employer un gros mot.
Récemment vous avez participé au Centre Pompidou à une performance de Bertrand Bonello. Vous qui avez été proche de Saint Laurent, avez vous aimé le film que lui a consacré ce cinéaste ?
Ah oui. Le film restitue beaucoup le doute qui habitait Yves. J’ai reconnu un esprit, un aura autour d’Yves. Sa force aussi. Parce qu’on loue toujours sa sensibilité, mais il était aussi d’une immense force spirituelle. Même si sa force était très autodestructrice. A la fin du concert au Pigalls, pour lequel il avait créé mon fourreau noir, il m’avait rejointe dans ma loge et m’avait dit avec son léger zozotement très charmant : »Ingrid, toi tu es la vie, moi je suis la mort ». Mais bon, il a vécu vingt-cinq ans après ça.
Et sur scène, ces prochains jours, qu’allez-vous chanter ?
En fait, je n’avais pas spécialement l’idée de remonter sur scène. Le Goethe Institut m’a proposé de faire une rétrospective de mes films. Et dans un second temps, pour renforcer l’événement, ils m’ont proposé de faire un petit concert. J’ai hésité puis accepté. J’ai pas mal travaillé sur mes anciennes chansons, parce que je n’aime pas refaire la même chose. Et du coup, dans l’élan, j’ai eu envie de faire un second concert, au Théâtre de l’Atelier. Je vais chanter des chansons écrites par Jean-Jacques, Rainer, John Cale. Aucune ne sera nouvelle, mais toutes sont retravaillées pour leur donner un sens aujourd’hui.
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