Sous sa surface de blockbuster technologique et carré, ID4 questionne le rapport de l’Amérique avec son histoire et sa mémoire. Independence Day, sorti en grande pompe le jour de la fête nationale américaine, transformait son succès annoncé grâce à une formule marketing intelligente : ressusciter la paranoïa américaine en substituant au danger communiste et terroriste […]
Sous sa surface de blockbuster technologique et carré, ID4 questionne le rapport de l’Amérique avec son histoire et sa mémoire.
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Independence Day, sorti en grande pompe le jour de la fête nationale américaine, transformait son succès annoncé grâce à une formule marketing intelligente : ressusciter la paranoïa américaine en substituant au danger communiste et terroriste une menace extraterrestre. Pour cela, Roland Emmerich, l’auteur de l’intéressant Universal soldiers le moins mauvais film de Jean-Claude Van Damme à ce jour et du très réussi Stargate, s’est appuyé sur une histoire limpide, imaginant une attaque extraterrestre sur les principales métropoles de la planète avec une riposte terrestre sous commandement américain bien entendu, prévue le 4 juillet, fête de l’Indépendance américaine. Ce scénario sans surprise tire son origine des films de science-fiction catastrophes des années 50 comme Les Soucoupes volantes attaquent et La Nuit où le monde explosera de Fred F. Sears ou Le Météore de la nuit de Jack Arnold. A la fin des Soucoupes volantes attaquent, des militaires bien élevés et des savants dociles, secondés par une poupée gonflable blonde et son adjudant de fiancé, sauvaient la démocratie d’extraterrestres caoutchouteux. Dans la scène finale du film, la Maison Blanche se retrouvait endommagée par les pilonnages incessants des vaisseaux extraterrestres. Roland Emmerich ne pouvait décemment pas se priver de filmer un tel morceau d’anthologie et, nouvelle génération d’effets spéciaux à l’appui, montrer la Maison Blanche, refuge du monde libre, voler en éclats même si c’est pour mieux signaler par la suite que l’idéal démocratique américain reste bien plus solide qu’une bâtisse aux pierres blanches. Independence Day est un film post-orwellien dans la mesure où il assimile naturellement les leçons de 1984. En l’occurrence, une planète gouvernée par un big brother qui serait le gouvernement américain. On ne sait pas pourquoi les extraterrestres s’attaquent en priorité aux cibles américaines comme s’il s’agissait là du nerf de la planète, mais il apparaît comme allant de soi que la riposte terrestre soit orchestrée par les Américains, assistés par l’armée de l’air israélienne et quelques pilotes irakiens. Ce serait pourtant une erreur de s’arrêter à la surface d’Independence Day. Le film de Roland Emmerich est un film sur la paranoïa, et en aucun cas un film paranoïaque. De la même manière que Rambo ii était plus un film antitechnologique, dénonçant les effets pervers de la bureaucratisation sur la démocratie, qu’un brûlot visant à continuer la guerre du Vietnam par d’autres moyens. Débarqué d’Allemagne pour rejoindre le big brother hollywoodien, le regard de Roland Emmerich sur son pays d’adoption ressemble à celui d’un immigré d’Europe de l’Est arrivant pour la première fois dans un supermarché : des hordes d’Américains se précipitant à la rencontre du vaisseau extraterrestre comme si c’était la dernière attraction à la mode, le Président des Etats-Unis dépassé par la situation, hésitant entre la riposte immédiate et la rédaction d’un accord diplomatique entre les deux parties. Emmerich décrit un pays en décadence, que seule une invasion venue de l’espace sauve d’un chaos annoncé et d’une gangrène présente à tous les échelons de la nation à commencer par le pouvoir politique. C’est la thèse de l’extraterrestre de Roswell insérée dans le film, l’idée qu’une présence extraterrestre a été identifiée par la CIA dans les années 50 et tenue secrète depuis. ID4 parle d’une gangrène qui ronge le pays de l’intérieur et transforme l’altérité, ici la peur de l’autre, en intériorité. ID4 parle d’un pays qui creuse depuis les années 50 sa propre tombe. Après son troisième film hollywoodien, on mesure mieux la cohérence de l’œuvre de Roland Emmerich. Dans Universal soldiers, il montrait Van Damme en machine à tuer qui essayait de retrouver les bribes d’une mémoire perdue. ID4 est la projection à l’échelle d’un pays du dilemme qui se nouait dans le cerveau de Van Damme : à la fin, le Président des Etats-Unis annonce la victoire du 4 juillet contre les extraterrestres comme un jour de fête pour le monde entier. Mais la victoire est un leurre. Emmerich stigmatise brillamment ce qui manque le plus à l’Amérique : une mémoire et une histoire. Comme les extraterrestres du film, le Président des Etats-Unis en est réduit à annexer une histoire comme on le ferait d’un territoire.
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