Entre satire sociale et comédie romantique, le réalisateur de Juno s’emmêle un peu les pinceaux. Mais George Clooney étincelle.
Ça plane pour lui. Lui, c’est Ryan Bingham, quinqua dynamique, célibataire misanthrope abonné aux chambres d’hôtel et aux avions, dont le but dans la vie semble de parvenir à un score de 10 millions de miles. Bingham travaille pour une entreprise spécialisée dans le licenciement : c’est lui qui vient faire le sale boulot aux dix coins des Etats-Unis pour soulager la mauvaise conscience des patrons. Incarné par le super séduisant George Clooney, Bingham est donc la crapule parfaite, dessinée selon le bon vieux principe hitchcockien : plus le méchant est séduisant, meilleur il est. Jason Reitman va plus loin en choisissant pour personnage principal un impitoyable et cynique coupeur de têtes en pleine panade économico-financière américaine et mondiale. Pour une comédie à gros budget, c’est quand même très gonflé. Bingham va rencontrer deux femmes (dont la magnétique Vera Farmiga) qui vont peut-être (ou pas) le faire évoluer : le film est alors traversé par un double suspense, romantique et éthique.
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In the Air est à son meilleur dans la première partie, la comédie cynique. Reitman organise des petits bijoux chorégraphiques sur la vie de VRP de luxe : ballets des cartes informatiques, valse des valises, enchaînements aéroports-Hertz-Hilton, survols très Google Earth des villes américaines. La représentation synthétique du quotidien des businessmen contemporains est assez saisissante. Inutile de préciser que George Clooney endosse là un rôle en or, s’en donnant à cœur joie dans la peau du pourri séduisant, proposant une nouvelle incarnation d’une certaine libido capitaliste régressive et très égoïste.
La seconde partie, plus mélancolique et romantique, plus satisfaisante moralement, est aussi moins convaincante cinématographiquement. Le salaud se rend compte qu’il est tombé amoureux de la femme d’affaires croisée dans un bar avec laquelle il couche épisodiquement au gré des correspondances aériennes et commence à s’interroger sur le vide et la solitude de son existence de patachon. Il commence à atterrir, littéralement et philosophiquement, et à se poser les questions qui viendraient à l’esprit de chacun.
Lors d’une visite de Bingham au mariage de sa sœur dans le Wisconsin, le film flirte avec le sentimentalisme, la nostalgie, le familialisme, l’apologie du mariage et devient un peu poisseux. Sans dévoiler la fin, disons que Reitman parvient à éviter le scénario d’un parfait retour dans le droit chemin qui serait prévisible et moralisateur et à conclure aussi finement que cruellement le parcours de son exécuteur “frequent flyer” moderne.
Si Reitman réussit le portrait d’un salaud d’aujourd’hui (qui est aussi celui de l’Amérique libérale et de la tendance du capitalisme la plus goinfre, froide et morbide), on sent que son empathie va vers les victimes de Bingham : la cohorte de gens brutalement virés, dont les visages et paroles ouvrent et ferment le film.
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