L’acteur américain Ray Liotta est décédé dans son sommeil, ce jeudi 26 mai 2022, alors qu’il était en tournage en République dominicaine.
Alors que le monde continue de célébrer le 7e art en ce début de seconde semaine cannoise, le monde du cinéma lui, pleure l’un des siens. Un acteur qu’il aura adoubé, puis encensé, malmené, mais jamais oublié : Ray Liotta, décédé à l’âge de 67 ans.
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Né le 18 décembre 1954 et adopté six mois après sa naissance, Raymond Allen Liotta grandit dans le New Jersey avant de partir étudier l’art dramatique à l’Université de Miami. Il fait ses premiers pas sur le grand écran dans The Lonely Lady en 1983, puis en interprétant Ray Sinclair dans Dangereuse sous tous rapports (1986), pour lequel il a reçu une nomination aux Golden Globes. Repéré par Robert de Niro grâce à ce rôle de mari psychotique, il obtient les faveurs de Martin Scorsese pour la tête d’affiche du film qui va lui faire à jamais changer de dimension : Les Affranchis. En donnant son regard de séducteur froid à Henry Hill, Ray Liotta grave de son nom le crépuscule du Nouvel Hollywood.
C’est principalement avec des seconds rôles dans des polars que Ray Liotta poursuivra sa carrière. Il se spécialise notamment dans des rôles de flics désabusés avec ses incarnations dans Obsession Fatale (1992), où il interprète un policier obsédé par la violence, dans Copland (1997) avec son rôle de flic toxicomane, ou accro aux jeux d’argent dans Phoenix (1998), où il fait également ses armes en tant que producteur. Certains de ses projets sont hélas de grands échecs au box-office, c’est le cas de Absolom 2022 en 1994, le film fantastique pour lequel il est en tête d’affiche. À partir du début des années 2000, en dehors de ses rôles dans Hannibal de Ridley Scott ou Identity de James Mangold, Ray Liotta s’attache à des projets du grand et du petit écran qui sortiront de moins en moins du territoire américain, ou uniquement destinés à des sorties en DVD.
Un retour sur grand écran en demi-teinte
Après une apparition remarquée dans la saison 11 d’Urgences, où il interprète un personnage vivant en temps réel ses derniers instants parmi les vivants, rôle pour lequel il remporte l’Emmy Award du meilleur acteur invité dans une série télévisée dramatique, Ray Liotta revient au cinéma à grande échelle avec Revolver de Guy Ritchie (2005), dans lequel il interprète le puissant chef de gang Dorothy Macha. Ce film, comme beaucoup de projets auxquels Ray Liotta participe, sera un échec au box-office. Il en sera de même pour Droit de passage, un thriller pour lequel il donne la réplique à Harrison Ford. Par la suite, il partage l’affiche avec Brad Pitt dans Cogan : Killing the softly de Andrew Dominik, en compétition au Festival de Cannes de 2012, et avec Ryan Gosling et Bradley Cooper dans The Place Beyond The Pines (2013). Ces long-métrages trouveront son public.
Les années suivantes, Ray Liotta se consacrera à des projets de petite envergure, entre thrillers et comédies romantiques : The Iceman, Pawn, Blonde sur Ordonnance, Le diable en personne. Il joue également son propre rôle dans Peace, Love et plus si affinités, Stretch ou encore Modern Family. Parallèlement, il continue de jouer dans de nouvelles séries comme Texas Rising, où son rôle de Lorca lui vaut une nomination aux Screen Actors Guild Awards, ou en rejoint d’anciennes (Les Simpson, Unbreakable Kimmy Schmidt). Avec son rôle de brillant avocat dans Marriage Story (2019), où il donne la réplique à Laura Dern et Adam Driver, Ray Liotta a fait un retour remarqué sur le devant de la scène.
À jamais le visage du chef-d’œuvre de Scorsese
Éteint dans son sommeil à l’âge de 67 ans alors qu’il tournait Dangerous Waters pour la caméra de John Barr en République dominicaine, Ray Liotta laisse derrière lui 41 années de carrière et plus de 90 rôles. Ce regard azur, cette peau féroce, ces lèvres retroussées, comme balafrées : Ray Liotta avait un physique atypique, au moins autant que l’héritage de son nom. Celui-ci est encore, et désormais pour l’éternité, frappé de l’un des paradoxes propres au septième art. Car si ces trois syllabes désignent à l’évidence un monstre sacré pour certains, elles sont aussi parfaitement inconnues pour d’autres. Le résumé non-exhaustif de sa riche et éclectique carrière que nous vous proposons le montre : après une consécration de début de carrière dans Les Affranchis, et malgré un foisonnement de rôles, Ray Liotta n’a jamais trouvé une autre gloire que celle d’avoir été le visage du chef-d’œuvre de Scorsese.
Mais peut-être ne l’a-t-il simplement pas perdue, cette gloire. Peut-être était-il de ces acteurs et ces actrices ayant goûté à l’immortalité dans une certaine forme d’immédiateté, en un seul rôle, avec lequel iels ont fusionné, sans jamais véritablement s’en affranchir. Et pourtant Ray Liotta, dans la peau de Henry Hill, était un Affranchi, peut-être le meilleur de tous. Celui qui avait été adoubé, encensé, puis malmené par ses pairs.
Il s’appelait Ray Liotta. Le cinéma parfois s’oblige, et nous oblige, à n’envisager la carrière d’un homme qu’au travers de sa consécration. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un acteur ou d’une actrice, qu’on se met à ne décrire qu’au travers de son incarnation phare. Ainsi on la nourrit, on en polit la légende. Au point de la substituer à celui ou celle dont on parle vraiment, ou de les rendre interchangeables, consubstantiels. Ainsi, la mort de Ray Liotta nous rappelle que l’immortalité d’un rôle n’a parfois d’autre prix que celui de l’absorption du nom qui l’incarne.
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