Le film avec la « Connasse » de Canal + sort aujourd’hui en salles. Sans que la presse n’ait pu le voir. Bilan: une polémique et un film à sketches qui témoigne surtout de l’’exportation au forceps de formats télévisuels qui ne collent pas aux contraintes du cinéma.
Le sujet
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Découverte en 2013 dans une série de sketches en caméra cachée diffusés sur Canal +, la « connasse » se jette dans le grand bain du cinéma. D’une pastille shortcom limitée à deux minutes et un seul décor, on passe à un long-métrage qui envoie son héroïne à Londres courir après le prince Harry, convaincue que son destin est de l’épouser. Embryon de scénario qui permet essentiellement aux réalisatrices d’enchaîner les mises en situations de leur connasse en jouant ad nauseam le même numéro d’arrogance effrontée, avec cette petite nouveauté : en terre britannique (et même dès l’intro à Paris, où elle joue une guide touristique), la connasse est avant tout une Française.
Le souci
Certes, le film fait parfois rire, tout comme le mini-programme télé dont il s’inspire, mais il avance avec un boulet à son pied: la caméra cachée s’acclimate généralement assez mal à la fiction, tout simplement parce que c’est un dispositif basé sur la répétition: une machine à gags qui reproduit son mécanisme devant chaque piéton qui passe, fait moisson d’une multitude de réactions puis, arrivée à épuisement, passe à l’idée suivante. Dans sa version cinéma, Connasse respecte cahin-caha une continuité narrative et accouche d’une ribambelle boulimique de situations, qui propulsent malgré elles l’actrice dans un rôle de clown pressé, semant derrière elle des miettes de caméra cachée. Le résultat est un collier de perles agençant en bout-à- bout ces bribes de sketches, qui prend des airs de film suédé, un peu embarrassé par la façon dont les impératifs de l’histoire viennent briser ses élans de comédie (et vice- versa).
Le symptôme
Il se trouve que Connasse, princesse des cœurs est justement depuis hier au cœur d’une polémique mettant dos à dos la comédie française et la critique, du fait d’une chronique du Monde déplorant le blackout infligé par son distributeur Gaumont vis à vis des journalistes. Manque de pot, le film n’est pas honteux, tout juste handicapé par son dispositif: peut-être que la presse ne l’aurait en fin de compte pas tant écharpé, s’il lui avait été permis de le voir comme n’importe quel autre film.
Peut-être aussi que le schéma selon lequel elle détesterait par principe la comédie est un tantinet exagéré – Pierre Salvadori, Emmanuel Mouret, ne forment qu’un début de liste de fins artisans du rire hexagonal généralement bien accueillis par la critique. Sans doute est- il plus précisément ici question non seulement de comédie, mais de l’exportation au forceps de formats télévisuels qui ne collent pas toujours aux contraintes du cinéma et l’investissent donc maladroitement.
Paraissant presque vouloir déjà se défaire de sa forme d’arrivée, Connasse, princesse des coeurs, une fois sorti sur le marché vidéo, se prêtera d’aileurs volontiers à un visionnage saucissoné, le renvoyant à son format shortcom d’origine. Espérons en attendant que la mauvaise humeur des distributeurs de comédies s’arrête à ce rendez-vous manqué, car les blagues les plus courtes sont les meilleures.
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