En alliant lois romanesques et vérité historique, Tsui Hark érige un pont aérien entre une légende du XIXe siècle et la Chine moderne. Il était une fois en Chine (qui compte six épisodes et des avatars divers, mais les deux premiers sont les plus parfaits de la série) met en scène Wong Fei-hung, figure historique […]
En alliant lois romanesques et vérité historique, Tsui Hark érige un pont aérien entre une légende du XIXe siècle et la Chine moderne.
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Il était une fois en Chine (qui compte six épisodes et des avatars divers, mais les deux premiers sont les plus parfaits de la série) met en scène Wong Fei-hung, figure historique cantonaise de la fin du xixe siècle, médecin, directeur d’une école d’arts martiaux, politicien et chef de guerre. Les faits réels ont vite cédé la place à la légende, relayée dès les années 40 par une centaine de films qui transformèrent le docteur Wong en Robin des Bois chinois.
En 1991, Tsui Hark, le jeune prodige du cinéma de Hong Kong, décide de donner sa propre vision de ce personnage mythique qui syncrétise toutes les contradictions de son pays. Dans le premier épisode, le docteur Wong et ses disciples combattent d’odieux esclavagistes américains qui exploitent le peuple chinois, ainsi qu’un maître kung-fu renégat. Les commerçants et diplomates occidentaux montrés comme une menace pour l’intégrité morale et culturelle chinoise pouvaient faire passer le docteur Wong pour un héros nationaliste. Tsui Hark rectifie le tir dans le second volet de la saga, où l’ennemi est une redoutable secte qui assassine les ressortissants étrangers et les chinois accusés d’occidentalisation. Docteur Wong est avant tout un idéaliste, naïf et maladroit (sauf dans l’action), plongé dans la tourmente de l’Histoire et du progrès, témoin privilégié de la naissance d’une Chine nouvelle. Pour Tsui Hark la vérité historique est soumise aux lois de l’invention et du romanesque et se transforme en une succession effrénée d’épisodes comiques et mélodramatiques. Quant aux fameux combats filmés comme des ballets, ils se chargent d’une valeur allégorique et accélèrent le cours du récit, quittant le stade de la digression pour constituer le cœur du travail narratif de Hark. Le film est également porté par le charisme et la grâce incroyables de Jet Li, parfait dans le rôle de Wong Fei-hung et digne successeur de Bruce Lee et de Jackie Chan au firmament du star-system asiatique. Relayée par des trucages artisanaux, son élasticité physique ne connaît plus de limites, dans des chorégraphies dégagées des lois de l’apesanteur si tourbillonnantes qu’elles s’approchent d’une forme d’art visuel non figuratif.
Le cinéma de Tsui Hark se fond alors avec son sujet, l’histoire de la Chine, et passe de quelque chose de presque primitif à la modernité la plus expérimentale. Il était une fois en Chine, c’est la rencontre vertigineuse entre Alexandre Dumas, Mack Sennett et la tradition du film martial, la fusion sublime d’éléments disparates qui transforme une fresque chinoise jusqu’au bout des ongles en chef-d’œuvre universel.
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