Le retour de la comédie tchèque sur un versant naturaliste et social.
Ce cinquième long métrage de Bohdan Slama, dont deux des précédents (Something Like Happiness et The Country Teacher) avaient laissé un souvenir de marginalité bon enfant, confirme son rôle de rénovateur naturaliste de la comédie tchèque. Même s’il y a d’autres exemples de transgression cool et de dérapages drolatiques venus d’Europe de l’Est (surtout de Roumanie et de Bulgarie), Slama est le seul à pratiquer la satire sociale sur un mode chaleureux proche de la candeur.
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Sur le papier, cela n’a l’air de rien, mais il se dégage de ces péripéties rocambolesques et personnages bancals une humanité que l’on ne voit guère dans le cinéma d’Europe de l’Ouest. Ce qui signifie que le titre (anglais) est fort trompeur. L’héroïne n’est pas une “mère de glace” mais une brave veuve sexagénaire, excédée par la routine et les diktats imposés par ses fils psychorigides, qui va trouver le bonheur dans la dérive, au propre comme au figuré puisqu’une partie du film se passe dans l’eau, parmi des aficionados de la nage en eaux glacées l’hiver (cf. le titre). L’occasion de plonger dans un monde aussi informel qu’amical, qui renoue presque avec l’ère embrumée du peace & love.
Au-delà de cette réhabilitation vintage, frôlant le folklore sans y tomber, le film esquisse le schéma d’une utopie sociale sans entraves. Cela rejoint en gros le principe de Toni Erdmann de Maren Ade (les vieux libertaires dynamitant la société 2.0), mais en infiniment plus modeste, moins grinçant, sans revendication auteuriste ostentatoire, ni grandes envolées divagantes. Ce cinéma de proximité et de système D, aussi brinquebalant que ses décors, est un confortable antidote aux froides sirènes de la cyberculture. Le retour d’une idée de la fraternité, vieux concept qui n’a plus pignon sur rue – bien qu’il figure en toutes lettres sur les frontons de notre république.
Ice Mother de Bohdan Slama (Tch., Slo., Fr., 2016, 1 h 45)
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