Belle surprise indé d’un cinéaste de Baltimore qui intègre génialement la musique à un imbroglio familial déconstruit.
Moins expérimental que son précédent Putty Hill, ce troisième long métrage de Matthew Porterfield a un petit air cassavetien. Il pourrait être sous-titré “Une famille sous influence” et rappelle Love Streams par son dispositif intimiste.
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L’analogie tient surtout aux rapports flottants et conflictuels des personnages. Porterfield ne filme pas au cordeau, il suit les humeurs de ses protagonistes. La première impression positive, c’est ce sentiment de dérive, puis d’allées et venues permanentes. Ce n’est pas un film d’action mais il ne se pose jamais. L’instabilité est son moteur.
On découvre d’abord Taryn, postadolescente irlandaise fugueuse, qui vit et travaille à Ocean City, station balnéaire de la Côte Est. Elle quitte l’endroit et débarque chez son oncle et sa tante à Baltimore. C’est le marasme : le couple est en train de splitter. Taryn reste à Baltimore et fera le va-et-vient entre la maison de sa tante et celle de son oncle.
Deuxième atout majeur d’I Used to Be Darker : la musique. Comme dans d’autres films récents (Alabama Monroe, Inside Llewyn Davis), les héros sont musiciens et vivent au rythme de leur art. Mais si la noire cocasserie d’Inside Llewyn Davis se suffisait à elle-même, au-delà des chansons, et si les concerts d’Alabama Monroe étaient plaqués sur un mélo, ici la musique est intimement intégrée au flux du quotidien.
Elle survient souvent au détour d’une séquence et occupe alors tout l’espace ; chose rare, le cinéaste n’écourte pas les morceaux. Voir le moment où Abby, fille du couple et cousine de Taryn, rentre chez elle et trouve son père, incarné par un musicien reconnu, Ned Oldham, frère
du célèbre Will Oldham, affalé sur un canapé dans son sous-sol, en train de jouer de la guitare avec un ami qui s’amuse à la batterie. Rien de solennel, mais c’est un des moments de grâce du film.
Idem pour la toute fin, où la mère, interprétée par Kim Taylor, excellente chanteuse folk genre Cat Power, chante chez elle une chanson dont les paroles servent également de conclusion à l’histoire. On ne va pas parler de chœur grec ni de comédie musicale, mais il est indéniable que cette prégnance de la musique dans un film relativement déconstruit lui confère une dimension lyrique qui relativise le pathos ambiant. Pas de tenants et d’aboutissants clairs, nets et pénibles ici, mais plutôt des points d’interrogation et des trous par lesquels le soleil, omniprésent d’un bout à l’autre, s’immisce.
Bref, un drame à la fois apollinien (solaire) et dionysiaque (désordonné).
En salle le 25 décembre
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