Un « homme sensible » décide de se convertir à l’amitié virile. Une comédie nonchalante et cool à la Judd Apatow.
La prégnance de Judd Apatow sur la comédie américaine est désormais telle qu’il n’a plus besoin d’inscrire son nom au générique de certains films pour en assumer la paternité putative. Ainsi, bien qu’il ne soit pour rien dans la conception de l’excellent I Love You, Man, ce dernier lui doit tout : son réalisateur John Hamburg, formé à la comédie sur l’une des deux éblouissantes séries teen d’Apatow, Undeclared ; ses acteurs, Paul Rudd (le beau-frère dans En cloque, mode d’emploi) et Jason Segel (Freaks and Geeks, Sans Sarah, rien ne va !) ; sa nonchalance un brin midinette ; et surtout sa thématique récurrente, qu’on pourrait résumer par le slogan suivant : “Bros before hoes”, soit “les potes avant les meufs” (traduction euphémique…).
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On a récemment vu, avec Very Bad Trip, où pareil slogan pouvait mener lorsqu’il était pris comme injonction plutôt qu’interrogation existentielle : un éloge de l’entre-soi viril, efficace et grivois. Infiniment plus délicat, I Love You, Man se propose d’explorer une zone encore vierge sur la carte du mâle moderne dessinée par Apatow, aux antipodes des gentils geeks de 40 ans, toujours puceau ou d’En cloque… : l’homme sensible, ou “nouvel homme”, cette fameuse espèce qu’Eric Zemmour tient pour responsable de la décadence occidentale.
Peter Klaven (Paul Rudd, le plus sous-estimé des comiques actuels) est ainsi un “girlfriend guy”, un type galant et doux, assuré en même temps qu’attentionné avec sa future épouse, heureux de passer ses dimanches soir avec elle, à regarder les documentaires sur HBO. Le mari parfait. Si parfait cependant qu’il en néglige ses buddies, ses dudes, ses homies, et qu’au moment de se trouver un témoin de mariage sa liste est désespérément vide…
La première belle idée du film est de faire venir la pression sociale de l’extérieur, et en particulier des femmes : Peter, lui, se contenterait bien de son frère gay (personnage magnifique, interprété par Andy Samberg, le dernier prodige du Saturday Night Live), voire de sa mère, comme témoin ; mais c’est sa compagne (Rachida Jones, venue elle aussi du SNL), et les amies de celles-ci, qui le poussent à se conformer à la norme : jouer au poker, boire des bières, aller au stade… Tout ce que lui déteste a priori.
Puis, par un mécanisme de comédie romantique inversé (“boy meets boy” : deuxième belle idée), Peter rencontre enfin l’âme sœur en la personne de Sydney Fife (Jason Segel), un parangon de masculinité cool qui parvient à lui faire goûter les joies de l’amitié virile sans le brusquer. Car Sydney, contrairement aux autres, a compris que l’amitié se définissait d’avantage comme somme d’expériences singulières qu’appartenance à une communauté virtuelle aux règles préétablies (foot, bière, poker, etc.).
C’est fort de cette compréhension que le film se conclut – avec une mélancolie qui rappelle les récents et beaux films des frères Farrelly, Deux en un ou Terrain d’entente – sur une des plus belles déclarations d’amitié vues récemment sur un écran.
En salle le 29 juillet.
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