Voyage au bout de l’enfer de la vie de couple. Un drame psy façon gothique.
Un conte de la folie ordinaire comme semble les aimer Saverio Costanzo, dont l’entêtant troisième film, La Solitude des nombres premiers, mélo lorgnant sur le giallo des années 70, nous a marqué. Cette fois, il met en scène, avec la même actrice principale (Alba Rohrwacher), un couple tout aussi névrotique, mais à New York, ce qui génère semble-t-il une inspiration plus anglo-saxonne.
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Avec ce drame d’un jeune couple qui déraille après la naissance de son enfant, on pense un peu à Rosemary’s Baby ou carrément au cinéma d’horreur. Ce qui surprend encore une fois, c’est la faculté de Costanzo à infuser les codes d’un genre dans un pur récit psychologique – traitant ici de l’aliénation familiale. Car a priori Hungry Hearts est moins un film d’horreur qu’un drame focalisé sur la phobie alimentaire. Ce que laisse entrevoir la première scène à moitié drolatique, où le futur couple, Mina et Jude, fait connaissance dans les toilettes d’un restaurant où il est enfermé. Par la suite, Mina sera terrifiée à l’idée que son enfant sacré ingère des aliments impurs – notamment de la viande…
Mais la mère n’est pas un croque-mitaine. La force du film est de ne pas charger un seul personnage. Tout en jouant de façon extrême sur la déformation visuelle dans certains plans, qui intensifie la bizarrerie des personnages et des situations, Costanzo ne désigne pas de vrai coupable dans cette spirale délirante. Le monstre semble souvent être la mère, obsédée du bio style new-age, qui cultive ses propres légumes dans une petite serre sur le toit de son immeuble. Mais le mal pourrait aussi bien se trouver chez la partie adverse, celle du père apparemment raisonnable et de sa mère envahissante.
Le cinéaste nous convainc tour à tour de la plausibilité des arguments des uns et des autres dans cette aventure gothique. Si Mina semble folle, lorsqu’on pénètre dans la demeure de la mère de Jude, littéralement tapissée de trophées de chasse menaçants, on comprend que les carnivores puissent aussi paraître monstrueux. Donc, une histoire d’amour pas anodine du tout, aux antipodes de la séduction et des conventions romantiques (grincements à tous les étages), ayant un potentiel quasiment kafkaïen.
Reste à savoir quand Costanzo se décidera à tourner le vrai film de genre (thriller, horreur) autour duquel il tourne sans jamais vraiment y tomber. Pour l’instant, ce maestro de la subjectivité planche sur l’adaptation du Limonov d’Emmanuel Carrère, qui ne sera pas une gentille promenade de santé, on s’en doute.
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