Harry Potter rangé des balais et Twilight à deux crocs d’en finir, il fallait qu’une nouvelle série dite pour « jeunes adultes » – de celles-là même qu’écrit Charlize Theron dans l’affreux et benoitement nommé Young Adult – vienne rafler la mise. C’est chose faite avec Hunger Games qui, sortie la semaine dernière, bat tous les records […]
Harry Potter rangé des balais et Twilight à deux crocs d’en finir, il fallait qu’une nouvelle série dite pour « jeunes adultes » – de celles-là même qu’écrit Charlize Theron dans l’affreux et benoitement nommé Young Adult – vienne rafler la mise. C’est chose faite avec Hunger Games qui, sortie la semaine dernière, bat tous les records aux Etats-Unis, où il bénéficie, c’est vrai, de l’énorme succès du roman de Suzanne Collins dont il est l’adaptation.
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En trois tomes – s’attendre donc à des suites –, celui-ci raconte l’ascension, dans une Amérique dystopique, autoritaire et décadente, d’une jeune fille de 16 ans, Katniss Everdeen, arrachée à sa famille pour être jetée dans une arène cathodique aux règles particulièrement sournoises. Pour le bon plaisir du peuple et « l’unité de la nation », vingt-quatre gladiateurs poupins, garçons et filles réunis, se livrent, dans une forêt truffée de pièges et de caméras, un combat mortel dont un seul sortira vivant – une sorte de Koh Lanta vicelard où l’on se tue pour de vrai.
Démonter l’impitoyable logique du Spectacle sans renoncer à en jouir : l’ambition n’est pas neuve, mais elle trouve ici une actualisation revigorante. Battle Royale, Running Man, Rollerball ou Punishment Park ont déjà proposé similaire illustration du fascisme rampant censé gangréner nos télécraties – souvent avec brio, d’ailleurs, les films cités étant tous, à des degrés divers, réussis. Or, si Gary Ross, réalisateur du plaisant Pleasantville, se hasarde lui aussi à une réflexion politique (présente dans le livre), ce n’est pas là qu’il est le plus à l’aise. Les quelques saillies de Donald Sutherland, vieux consul rassis conseillant au réalisateur du show télévisé de ne pas « donner trop d’espoir au peuple », sonnent, avouons-le, assez creux, de même que tout ce qui tient d’un méta-discours critique.
Gary Ross n’est pas Guy Debord. La bonne nouvelle est qu’il n’essaie pas de l’être, et concentre son énergie sur autre chose, plus aisé peut-être, mais non moins passionnant : l’opiniâtreté d’une jeune fille devenant pasionaria par défaut. Katniss Everdeen est une héroïne fascinante – plus encore que Bella Swan (Twilight) dont la passivité peut parfois agacer – un modèle d’action hero féminin, classe et couillue – en somme hawksienne. Révélée en 2010 par Winter’s Bone (dans un rôle assez proche de gamine écorchée-écorcheuse from the Appalaches), Jennifer Lawrence confère à son personnage une fougue insensée que rien ne vient démentir, pas même une histoire d’amour factice à laquelle le réalisateur a le bon goût de ne pas nous laisser croire trop longtemps.
En dépit d’un filmage heurté, en apparence un peu brouillon, Gary Ross manifeste un talent certain pour suivre les soubresauts de sa Joanne Dru moderne, sans forcer le trait, par petits gestes et menus détails : tel plan bouleversant sur la cime des arbres lorsqu’une de ses amies meurt (certains clichés sont parfaits tels quels), telle suspension du temps pour lui permettre de chanter, tel signe de la main pour soudain enflammer un peuple. Et c’est ainsi, sans tambour ni trompette, qu’Hunger Games se pose comme l’un des plus beaux films d’aventure vus récemment, une fable qui regarde la mort dans les yeux pour mieux l’esquiver et lui opposer fièrement son vitalisme infaillible.
Jacky Goldberg
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