Deux amis hétéros se lancent le défi de coucher ensemble : une comédie crue de la masculinité en crise.
Bromance : contraction de “bro” et de “romance”, se dit d’une relation amicale particulièrement poussée entre deux hommes, au point que la frontière entre amitié et amour s’estompe… On sait la fortune du concept, devenu sous-genre à part entière une fois passé dans les mains expertes de Judd Apatow ou de ses disciples (l’excellent I Love You, Man, au titre on ne peut plus littéral), mais personne, jusque-là, n’avait réellement interrogé le tabou fondamental sur lequel celui-ci se fonde : l’homosexualité.
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Blaguer sur le cul, volontiers (le fameux “Do you know how I know you’re gay ?” de 40 ans, toujours puceau), mais coucher ensemble, ça non, jamais.
Troisième film d’une jeune réalisatrice américaine, Lynn Shelton (mais premier à bénéficier d’une distribution hors Etats-Unis, après un triomphe à Sundance et à la Quinzaine des réalisateurs), Humpday parvient, avec un certain brio, à questionner cet interdit et, partant, à tirer les fils comiques de son absurde situation de départ.
A la suite d’un pari alcoolisé, Ben et Andrew, deux amis trentenaires aux styles de vies opposés (l’un est marié et rasé de près, l’autre bohème et barbu), réunis pour la première fois depuis la fac, décident de participer à un festival de porno amateur (le Hump Fest) en y envoyant la vidéo inédite de leurs ébats.
Il ne s’agirait pas d’un coming out, seulement d’un one shot, innocente enfilade entre hétéros sous l’œil d’une caméra, pour la seule beauté de l’art. En tout bien tout honneur. Le travail de Lynn Shelton consiste alors à enregistrer scrupuleusement, et avec une certaine malice, l’amplitude des dérèglements successifs provoqués par ce petit séisme à l’échelle d’une vie rangée.
Or très vite, il apparaît que c’est moins l’identité sexuelle, vite fixée, qui pose problème, que l’identité tout court, cet ensemble de déterminismes sociaux qui fait craqueler le vernis d’urbanité et pousse les deux dudes à se voler dans les plumes sitôt leur fierté blessée.
On voit bien ce que tel pitch aurait pu avoir de sinistre dans les mains d’un cinéaste avide de leçons de choses, ce moralisme inepte qui dégouline des comédies indépendantes avec “sunshine” dans le titre… : Shelton, à l’inverse, choisit de chauffer son moteur comique à blanc lors de longues engueulades cassavetiennes – sans en éviter, hélas, les tics de mise en scène : relative paresse du cadre et approximation du montage –, pour finalement lâcher la bride dans la dernière scène, exercice de cinéma-vérité aussi embarrassant que tendre.
Admirablement interprété, pour ne rien gâcher, par des acteurs à peu près inconnus (Mark Duplass, Joshua Leonard et Alycia Delmore), Humpday s’impose ainsi comme la première greffe réussie du saint-esprit Apatow sur un corps Sundance. Alleluia.
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