[Démontage] Un dispositif filmique aussi mégalomaniaque que distant ruine les quelques moments d’émotion du deuxième film de Yann Arthus-Bertrand.
Un vieux pépé lotois
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des hommes et des femmes anonymes de tous pays, de toutes couleurs, un par un, face caméra, en gros plan, devant un fond noir, témoignent de leur vie, partagent leurs peines, le pire souvenir de leur vie, leurs espoirs, leur vision de la vie, du bonheur, de la famille, de la mort, de l’au-delà. Tous ont revêtu leurs plus “beaux” atours et leurs propos sont sous-titrés (même ceux des francophones).
On voit et écoute des condamnés à perpétuité américains, une paysanne cambodgienne désespérée, des survivants du génocide rwandais, des réfugiés de Sangatte, un vieux pépé lotois qui avoue être vierge, etc. C’est souvent émouvant, oui, malgré le côté “petites annonces” d’Elie Semoun du dispositif.
Des images de la Terre vue du ciel, arrosées d’une musique planante, viennent régulièrement ménager de longues pauses soporifiques dans ces trois heures onze de film. Pendant le générique de fin, certains des “témoins” (comment les appeler puisqu’ils n’ont pas de nom ?) remercient ceux qui sont venus les filmer.
Dieu en hélicoptère
Yann Arthus-Bertrand n’a qu’un mot à la bouche : le Vivre Ensemble (avec des majuscules, bien sûr). Or il nous montre des individus seuls enfermés dans un Photomaton de luxe produisant des images somptueuses d’êtres humains marqués par la vie. Des plans de coupe sur d’autres intervenants essaient de nous faire croire qu’ils écoutent celui qui parle, mais le spectateur voit très bien qu’il ne s’agit que d’un effet de montage.
Quant aux images aériennes de beaux paysages (la signature YAB, même s’il semble avoir été, à travers sa fondation, un maître d’œuvre à distance), elles témoignent, à travers la récurrence des travellings arrière, de sa volonté de prendre du recul (voire d’une phobie du moindre contact ?), et surtout de la hauteur.
Certains plans montrent même des groupes qui, têtes levées vers le ciel, regardent sa caméra. Lui s’éloigne au ralenti, dieu en hélicoptère. Tel le propriétaire d’un de ses livres, le contemplant de haut, recouvert de poussière, sur la table basse du salon. Où est le Vivre Ensemble ?
Le syndrome Cousteau
Sous couvert d’humanisme, de dénoncer la dure condition humaine dans ce pauvre mais si beau monde, ce “film”, sponsorisé par la fondation Bettencourt, est une vaste opération mégalomaniaque, qui est et sera diffusée sous différentes formes sur tous les canaux possibles, parfois même gratuitement (internet, cinémas, festivals, ONU, écoles, universités, et bientôt plusieurs déclinaisons sur France 2). Comme le déclare YAB au sujet de Human : “Mon souhait le plus cher est que tout un chacun s’en empare à sa façon, organise des projections et devienne un ambassadeur du Vivre Ensemble !”…
En chiffres
16 Le nombre de journalistes ayant enregistré les deux mille interviews tournées pour le film. Deux ans de travail dans soixante-douze pays. Au total, plus de 2 000 heures de rushes filmés par vingt chefs opérateurs différents.
500 Le nombre d’heures d’images aériennes tournées pour Human. Et dire que Yann va sûrement vouloir nous refourguer ailleurs les rushes non utilisés… Argh.
2 Le nombre de films “réalisés” par Yann Arthus-Bertrand. Apôtre de l’écologie “apolitique”, le photographe choisit toujours ses sponsors avec discernement, comme le groupe Pinault-Printemps-Redoute et la Fondation du Qatar pour Home, son premier film…
{"type":"Banniere-Basse"}