De ces deux trajectoires, laquelle est la plus mystérieuse : ne plus aimer quelqu’un qu’on a aimé, ou finir par aimer quelqu’un qu’on n’aimait pas ? Puisque les quelque 2500 signes ici accordés ne suffisent pas pour répondre à cette question (la finesse requiert de la longueur, dit-on), on peut la réduire à celle de […]
De ces deux trajectoires, laquelle est la plus mystérieuse : ne plus aimer quelqu’un qu’on a aimé, ou finir par aimer quelqu’un qu’on n’aimait pas ? Puisque les quelque 2500 signes ici accordés ne suffisent pas pour répondre à cette question (la finesse requiert de la longueur, dit-on), on peut la réduire à celle de l’acteur redécouvert. Quelques étapes de la carrière de Hugh Grant esquissent une trajectoire de l’intérêt tard venu. En 1994, Quatre mariages et un enterrement promulguait Hugh Grant numéro 1 des british lovers. Quoique le film fût vu en cachette, ce qui est propice aux engouements irraisonnés, on était resté réticent face à un jeu limité à la seule maladresse, déclinée en mille et une petites moues : sourire crispé, main passée hâtivement dans les cheveux, silhouette qui se dandine, élocution précipitée. Dès lors, l’acteur mit au point le “Brit trap”, le genre de “la comédie avec Hugh Grant” où le charme anglais fait traverser l’Atlantique et venir à lui actrices et productions américaines (Coup de foudre à Notting Hill, Le Journal de Bridget Jones) attirées par la possibilité de se ressourcer à l’eau de jouvence britannique. Là, la maladresse intrigue le savoir-faire hollywoodien, mais pas encore notre affection. Une autre trajectoire de carrière, moins glorieuse et plus douloureuse, est incidemment racontée dans Le Come Back. Là, le retour en grâce d’un chanteur démodé se double du rappel discret d’un épisode pénible de la vie de Hugh Grant, victime en 1995 de la presse à sensations qui diffusa les photos calamiteuses de son fichage par la police. Comment revenir lorsqu’on était le prince charmant ? Deux options : se terrer ou parader. Hugh Grant étant un homme civilisé, il a choisi une option médiane que Le Come Back explore finement dans une scène centrale, la meilleure du film. Tandis que Hugh Grant dîne dans un restaurant avec sa fiancée, débarque le romancier qui a humilié cette dernière en faisant d’elle un portrait dégradant. Toute la séquence déploie alors la prise en charge de la vengeance de sa fiancée par Hugh Grant : panique initiale, atermoiements, négociations, montée de la détermination, et enfin passage à l’acte sous forme d’une bagarre ratée. Comment affronter l’humiliation sociale ? En négociant les unes après les autres les étapes d’une possible résolution à l’amiable, puis en se laissant tomber dans le conflit, héroïsme résigné et sans noblesse. Il faut bien en passer par là. Ce fatalisme pragmatique, Hugh Grant le porte désormais dans ses manières qui ont lâché la minauderie des débuts et qui s’abandonnent, vaguement vigilantes. Il est devenu un très bon acteur.
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