Sorti en 1977, le film secret de Nobuhiko Ōbayashi, perle rare de la comédie horrifique japonaise, sort pour la première fois dans les salles françaises.
Il aura fallu attendre 46 ans pour que House trouve le chemin des salles françaises. Longtemps cantonné, en dehors de ses terres natales, aux rayonnages interlopes d’une poignée de cinéphiles chercheur·euses de trésors, le film de Nobuhiko Ōbayashi connut une hype relative au début des années 2000 avec la démocratisation du DVD (et plus encore des DVD pirates). Un film étrange et lointainement culte, plus commenté que vu, mais qui s’enracina en profondeur dans la pop culture nippone.
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Comédie horrifique démente aux contours surréalistes, House (Hausu en V.O) suit l’escapade estivale de Belle, accompagnée de six de ses camarades du lycée, dans la maison de campagne de sa grand-tante. Un endroit qui fut aussi le foyer natal de sa défunte mère. Isolées dans la vaste demeure, les sept adolescentes – répondant toutes à des sobriquets en adéquation avec leur personnalité – expérimenteront d’inquiétants phénomènes surnaturels.
Figure de proue du cinéma expérimental japonais
Pensé comme une réponse de la Tōhō au succès phénoménal des Dents de la mer, sorti deux ans plus tôt, House est le premier long-métrage, et le premier coup d’éclat, d’Ōbayashi, publicitaire de formation devenu au courant des années 1960 une figure de proue du cinéma expérimental japonais. De cette filière expérimentale, le cinéaste conserve toute la palette alchimique, et l’insuffle à un film qui ne fait pas tant concurrence au blockbuster de Steven Spielberg, mais propose une expérimentation follement inventive, assujettissant la réalité aux visions de son géniteur.
Il y a dans House un œil qui s’extirpe d’une bouche, d’intrigantes pastèques, un chat aux yeux laser, des squelettes qui dansent, un fantôme dans un miroir, et une ritournelle entêtante – tantôt joyeusement enlevée, tantôt profondément mélancolique – qui donne la mesure à un film kaléidoscopique, oscillant entre comédie loufoque, surgissements horrifiques et éclats poétiques.
Visions fantasmatiques
Pour faire tenir ce tourbillon de visions contraires dans un film étonnamment harmonieux, Nobuhiko Ōbayashi plie le réel à sa volonté, et laisse libre cours à ses velléités de plasticien, et de laborantin de la pellicule. Les décors (des maquettes pour la plupart) se transforment en tableaux impressionnistes sursignifiants, irradiant de couleurs criardes, que les personnages arpentent comme dans un rêve. Le découpage devient un maelstrom de techniques cinématographiques éprouvées, entre surimpressions, montage frénétique et intertitres godardiens, qui donnent la cadence à un film qui fourmille de trouvailles esthétiques, et les fait fuser dans un feu nourri de visions fantasmatiques. Jusqu’à un final qui pousse le curseur horrifique vers des rivages plus sombres, mais que vient toujours juguler une candeur souveraine, comme si l’horreur n’était finalement qu’une forme de comédie dévoyée, dont il faut rire pour la différer.
Film fou, film monde, House n’aura jamais véritablement d’égal, ou d’imitations, mais gouvernera secrètement tout un pan de la pop culture japonaise, des mangas à l’essor de la J-Horror.
House de Nobuhiko Ōbayashi – en salle le 28 juin
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