Tout Hou. Hommage à Hou Hsiao-hsien en treize longs métrages, dont ses premiers inédits. Une oeuvre que l’on peut aussi aborder avec le vade-mecum édité par les Cahiers du Cinéma. Dans les années 80, on orthographiait le nom Hou Xiaoxan, voire Hou Syao Syen… Comme la graphie de son nom, la connaissance du cinéma de […]
Tout Hou. Hommage à Hou Hsiao-hsien en treize longs métrages, dont ses premiers inédits. Une oeuvre que l’on peut aussi aborder avec le vade-mecum édité par les Cahiers du Cinéma.
Dans les années 80, on orthographiait le nom Hou Xiaoxan, voire Hou Syao Syen… Comme la graphie de son nom, la connaissance du cinéma de Hou Hsiao-hsien s’est faite par paliers. Un des premiers à le repérer est Olivier Assayas, lors d’un voyage à Taïwan en 1984 où les Cahiers du cinéma l’envoient, dans le sillage d’un numéro spécial Hong-Kong. Le phare du jeune cinéma taïwanais est alors Edward Yang, dont le prestige a pâli depuis… Quatorze ans après, Assayas, devenu lui-même réalisateur, repart à Taipei avec une caméra et tourne un portrait personnel du cinéaste taïwanais pour la série Cinéma, de notre temps (HHH, sortie le 15 décembre).
Entre-temps, on a pu s’acclimater au cinéma de HHH, sans toujours bien l’appréhender au départ. On a commencé par son cinquième film, Un Eté chez grand-père (1984) qui, mal compris, posait à certains d’insolubles questions de point de vue. On reprochait à HHH sa distance par rapport à ses sujets et sa relative impassibilité. Je me rappelle moi-même, mea culpa, avoir été dérouté par La Cité des douleurs (1989), fresque complexe, voire confuse, sur la période politiquement troublée de Taïwan : 1945-1949. Une oeuvre incroyablement riche et détaillée, avec une myriade de personnages, d’événements politiques parasitant l’intrigue centrale, filmés en longs plans-séquences. Construire un récit synthétique et démonstratif n’intéresse pas HHH. Il veut donner une vision brute de la vie, mêler intimement les gestes banals et quotidiens aux événements les plus graves. « Ce qui m’intéresse n’est pas forcément de suivre une action en la « voyant bien », mais en en soulignant les vides, les creux, les interrogations », dit-il. On s’est acclimatés à son regard parcellaire, abstrait, atmosphérique, vite devenu essentiel au fur et à mesure qu’on découvrait ses films.
Ex-voyou devenu lettré, HHH se révéla non seulement un grand autobiographe (Les Garçons de Feng-kuei ; Un Eté chez grand-père ; Le Temps pour vivre et le temps pour mourir ; Poussière dans le vent), un historien (La Cité des douleurs ; Le Maître de marionnettes ; Good men, good women), mais aussi un artiste en prise directe sur la modernité (Goodbye South goodbye) comme sur la tradition (Fleurs de Shanghai). C’est ce que tente de cerner un ouvrage collectif récent qui, outre un long et passionnant entretien avec HHH par Emmanuel Burdeau, des analyses perçantes de chacun de ses films par des plumes aussi diverses et talentueuses que Charles Tesson, Alain Bergala ou Jean-François Rauger, comprend plusieurs textes transversaux, comme celui de Burdeau faisant un rapprochement entre HHH et Pialat, plus excitant que l’évident exemple d’Ozu (filmage frontal et plan-séquence). Certes, partir de HHH pour dire que « le montage chinois n’existe pas » (Jean-Michel Frodon) est un peu osé, quand les meilleurs monteurs du monde sont des Chinois… de Hong-Kong. Mais grâce à ce livre complet, plus la rétrospective de la Cinémathèque comprenant les premiers films « commerciaux » (sic) du cinéaste, on pourra enfin recoller les morceaux du puzzle HHH.
Cinémathèque française, Palais de Chaillot, du 2 au 19 décembre.
Hou Hsiao-hsien, collectif sous la direction de Jean-Michel Frodon (Cahiers du cinéma), 192 pages, 120 f.