Dans des paysages ahurissants, la vie de Hatidze est rythmée par l’élevage et sa violence. Un documentaire remarquable, justement récompensé à Sundance.
L’image est indélébile : à flanc de montagne, serpentant comment une chèvre au-dessus du vide, une paysanne à la peau burinée trouve son chemin d’un pas assuré, ouvre un trou de la paroi rocheuse comme elle le ferait d’un placard de sa cuisine et y révèle une ruche, dont elle arrache une belle tranche d’alvéoles ruisselantes de miel, dans un vrombissement de travailleuses importunées.
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Honeyland chronique la vie harassante et sublime de cette apicultrice, Hatidze, dans les profondeurs de la Macédoine où elle récolte un miel à demi sauvage partagé entre ses ruches et celles que recèle la nature qui l’entoure.
Cette américanéité primitive peut évoquer le souffle de certains westerns pastoraux
Le décor est ahurissant, d’une immensité totalement américaine, qui semble charrier un mythe des origines. Honeyland capte une vie rythmée par l’élevage et sa violence ; il est constellé d’abeilles, mais aussi de poules, de veaux et d’enfants pullulant entre les adultes dont il·elles apprennent bien trop tôt à répéter les gestes et endurer les souffrances.
Un éleveur s’est installé avec sa famille (sept gosses) dans le petit creux de vallée où Hatidze partageait son temps entre ses butineuses et sa vieille mère alitée. La cohabitation est un chaos quasi biblique grouillant de vie, marmots, chatons et bêtes de somme.
Cette américanéité primitive, qui peut évoquer le souffle de certains westerns pastoraux (La Rivière rouge), est sans doute l’une des raisons qui ont poussé le film aux Oscars, où il a écopé en 2019 de deux nominations (documentaire et film étranger), et à Sundance, dont il est sorti en grand gagnant. Elle pouvait aussi susciter notre méfiance : on connaît ces profils de docus oscarisables à haute puissance, capables d’impression mais moins de s’effacer.
Petit miracle
Le petit miracle d’Honeyland est d’arriver aux deux : passé le remarquable soufflet de la première scène, décrite plus haut, le film parvient à s’inscrire dans un ample tissu de quotidien, de travail, de vie, sans sursignifiant, sans image séductrice. La beauté du résultat n’en est que plus tenace et prégnante.
Honeyland de Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov (Mac., 2018, 1h26)
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