Charmante fable villageoise sur les rapports entre l’image et le temps.
Un film à la fois très théorique et plein de poésie. L’un n’empêche pas l’autre. L’aspect théorique, c’est un dispositif au carré. Une jeune photographe arrive dans un village perdu du Brésil peuplé de vieillards. Réalisant des photos avec un sténopé, elle va par sa présence redonner une certaine vitalité au village, mais aussi le figer pour toujours dans son devenir fantomatique. Le charme du film, c’est de mêler une fantaisie permanente à ce processus morbide et à l’apathie des villageois que seul l’attachement au passé maintient en vie.
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Le seul maniérisme, s’il y en a un, c’est précisément l’emploi de la photographie comme référent esthète de la réalité. Mais le filmage et la mise en scène sont simples et sans chichis. Le film est tourné quasiment sans lumière artificielle. Rien n’est empesé ni formaliste dans cette évocation d’un monde en voie d’ensevelissement. Il y a une constante drôlerie, comme dans la scène récurrente où la vieille dame qui héberge la photographe vient livrer ses petits pains au malicieux épicier du hameau et boire le café avec lui. Le vieil homme joue à chaque fois le même petit jeu de remettre les pains dans le panier d’où sa commère vient de les sortir.
Un autre aspect, plus évanescent, reste omniprésent en filigrane. Il est lié à l’essence même du cinéma et de la photographie, à l’hypothèse que le monde alangui du film n’existe plus, qu’il n’est qu’un reflet du passé, juste une image. On a l’impression persistante de regarder un monde de spectres, avec leurs rituels immuables. Cela se précise avec l’emprise impalpable mais croissante exercée sur la jeune touriste. Au départ distants, voire revêches, les villageois l’adoptent assez vite. Au point que la vieille femme voit en elle sa future remplaçante ; elle pourra faire le pain du village. Là, on s’achemine en douce, sur un mode ethno-naturaliste, vers le film de morts vivants ou de vampires ; ce que n’aurait pas manqué d’expliciter des cinéastes plus franchement baroques (tels que Raúl Ruiz, par exemple).
Júlia Murat, elle, résiste au fantastique et s’en tient à de vagues insinuations. Elle se contente du rapport évident entre le style, le processus de la photographie comme marqueur du temps et la décrépitude touchante des vieux habitants qui vivent en apesanteur, comme si les années qui passent n’avaient pas de poids. Bref, cette balade fantomatique presque régressive fait figure de bain de jouvence. Elle lave nos regards bombardés par les écrans électroniques.
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