Ressortie en version restaurée de deux courts métrages de Djibril Mambety. Une splendeur visuelle autant qu’un regard féroce sur la situation économique du Sénégal à la fin des années 1990.
“Ô argent, Dieu visible, qu’est-ce que tu ne nous ferais pas faire !”, confessait un détenu de cellule du personnage principal de L’Argent, le dernier film réalisé par Robert Bresson. La formule pourrait parfaitement s’appliquer à Histoires de petites gens, programme constitué des deux premiers volets d’une trilogie par le grand cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety (disparu prématurément en 1998, il ne pourra achever le dernier épisode).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ces petites gens, ce sont d’abord Marigo dans Le Franc, un musicien sans le sou vivant dans un bidonville, harcelé sans relâche par sa logeuse, mais bientôt héritier du billet gagnant de la loterie locale. Dans La Petite vendeuse de soleil, c’est Sili Lam, une petite fille handicapée qui, battante et courageuse, devient la première femme à vendre un quotidien (Le Soleil) dans le monde sans pitié des vendeurs de journaux.
Un cœur pur dans un mouchoir de naïveté
Comme chez Bresson, la circulation de l’argent et son pouvoir modificateur forment le cœur de la fiction. Mais à la rigueur implacable du maître janséniste, Mambety lui substitue une émouvante simplicité angélique teintée de fantaisies surréalistes. C’est cette image inoubliable du musicien Marigo portant sa porte de chambre tel Jésus portant sa croix sur le Golgotha. “Les petites gens ont ceci en commun : un cœur pur dans un mouchoir de naïveté. Plus courageux qu’un naïf tu meurs”, témoignait le cinéaste à propos de ces personnages.
Magnifiquement tournée dans les artères bouillonnantes de Dakar, cette nouvelle version restaurée révèle le prodigieux raffinement des images de Mambety dont la précision des cadres et les couleurs n’ont jamais semblé aussi éclatantes. On y retrouve également le grand talent du Sénégalais pour construire des allégories économiques et politiques à travers des drames humains du quotidien. Dans les deux films, la fiction permet en effet de poser un regard plus large sur la situation du pays à la fin des années 1990, notamment la dévaluation du franc CFA opérée par le gouvernement français qui plonge le pays dans un grand désordre économique.
Histoires de Petites Gens de Djibril Diop Mambety, en salles le 6 juillet.
{"type":"Banniere-Basse"}