Propulsé dans le club convoité des Grands Cinéastes grâce à la Palme d’or qui a récompensé en mai dernier Secrets and lies, Mike Leigh n’a pourtant rien du parvenu. Son cinéma creuse depuis le départ (Bleak moments, 1971) le même sillon de la critique sociale, dans un style plus baroque que ses compatriotes Ken Loach […]
Propulsé dans le club convoité des Grands Cinéastes grâce à la Palme d’or qui a récompensé en mai dernier Secrets and lies, Mike Leigh n’a pourtant rien du parvenu. Son cinéma creuse depuis le départ (Bleak moments, 1971) le même sillon de la critique sociale, dans un style plus baroque que ses compatriotes Ken Loach ou Stephen Frears. Au centre de High hopes (titre à l’ironie grinçante), une vieille dame, Mrs Bender, délaissée, déprimée, en attente de la mort. Si elle n’a pas son pareil pour balancer quelques vacheries acerbes, on est loin des mémés pittoresques peuplant le cinéma britannique, genre Tueurs pour dame. Autour de sa solitude, en cercles concentriques, gravitent trois couples représentatifs des contrastes économiques, sociaux et culturels sous Thatcher. Son fils, Cyril, écolo-gaucho, en ménage avec Shirley depuis dix ans, incarne la lower middle-class. Petit boulot, idées révolutionnaires nourries de Karl Marx et désenchantement sont leur pain quotidien. Shirley veut un enfant alors que Cyril considère que le monde dans lequel ils vivent n’est pas fait pour ça, mais leur amour constitue l’un des rares réconforts du film. La sœur de Cyril, Valerie, petite-bourgeoise frustrée jusqu’à la névrose, est mariée à un épouvantable beauf. Ses crises d’hystérie scandent le film comme autant d’appels au secours. Enfin, le dernier couple, caricature de réussite sous Thatcher, élite fraîchement arrivée et laborieusement snobinarde, débarque dans le film à la faveur d’un micro-événement hautement significatif. Mrs Bender a perdu la clé de sa maison et demande de l’aide à sa voisine. Celle-ci lève les yeux au ciel, grince, geint, puis finit par accepter, avant d’appeler Cyril et Valerie qui vont, chacun à leur manière, tenter de se débarrasser de cette vieille dame encombrante comme du valet de trèfle au jeu du mistigri. Aucun n’ose le reconnaître, mais le fait que cette femme soit encore là, vivante, sans qu’ils ne puissent rien en faire, est une gêne. Elle est la version troisième âge du personnage de Terence Stamp dans Théorème : un miroir qui renvoie aux autres une image insoutenable l’image dérisoire de leur fragilité. La dernière scène du film montre cette vieille dame reprendre goût à la vie grâce aux efforts de Cyril et Shirley. Mais le naturel insolent, l’ironie brutale de Mike Leigh ont fait leur œuvre, cruelle et salutaire.
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