Initiateur d’une petite révolution dans le cinéma d’horreur avec « Ring », Hideo Nakata a vécu toutes les récentes mutations du bis et s’est frotté de près à l’enfer des studios US. Il revient en compétition officielle du Festival de Gérardmer avec son dernier film, « The Complex ».
Peut-on dire que The Complex signe votre retour au cinéma d’horreur ?
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Hideo Nakata –Cela fait à peu près huit ans que je n’avais pas tourné de film d’horreur en effet. Moins par choix ou lassitude que par opportunité : après le remake américain de Ring 2, je suis revenu au Japon pour tourner Kaidan, qui était certes une histoire de fantômes japonais mais surtout une love story. Il faut aussi dire que je ne me considère pas, en tant que cinéphile ou réalisateur, comme un fanatique de films d’horreur – même si c’est ainsi que l’on me qualifie le plus souvent. Lorsque je décide de m’engager sur un projet, quel qu’il soit, je ne me soucie jamais des genres dans lesquels je m’inscris. S’agissant de The Complex, les studios Nikkatsu m’ont proposé de tourner un film d’horreur avec une jeune pop-star, Atsuko Maeda, et nous avons développé une histoire d’étudiante confrontée à d’étranges visions, dans la veine de mon film Dark Water, mais aussi du Locataire ou de Rosemary’s Baby de Roman Polanski.
Comment avez-vous réagi en voyant toute la vague de ghost stories initiée par Ring ?
On a assisté à l’émergence d’une mode horrifique aux États-Unis mais aussi un peu partout en Asie : à Hong Kong, en Corée du Sud, en Thaïlande… Mais je ne me considère pas comme l’initiateur de cette mode puisque c’est dans l’histoire du genre : tout se répète continuellement et nous sommes chacun soumis à des influences particulières, des vieilles mythologies jusqu’aux séries B modernes. Quand j’ai fait Ring, j’étais moi-même inspiré par toute une tradition passée de films de fantômes japonais et par l’horreur britannique.
Dans votre documentaire Foreign Filmmakers’ Guide to Hollywood, vous faites état des difficultés que vous avez éprouvées aux États-Unis. Que retenezvous de cette expérience ?
C’était une expérience intéressante, j’ai été confronté à des méthodes de production qui m’étaient complétement étrangères au Japon. Par « intéressante », j’entends aussi difficile, parfois violente.
Mon intention dans ce documentaire n’était pas de diaboliser les producteurs mais, à partir de l’échec de mon projet The Eye (le remake du film des frères Pang qu’il a abandonné – ndlr), tenter de saisir comment fonctionne Hollywood. J’avais cette impression, à l’intérieur des studios, d’être sur une chaîne de montage industrielle, de fabriquer une voiture, notamment avec la pression des projections-tests en public qui vous obligent dans certains cas à remonter le film. Au Japon, il est possible de dire non à ses producteurs, et lorsqu’un réalisateur a un point de vue fort et précis sur ce qu’il veut faire, il peut encore obtenir le final cut. Si vous dites non à Hollywood, c’est simple, vous êtes viré.
Vous avez définitivement tourné la page du cinéma américain ?
Je n’ai pas décidé de quitter Hollywood, je vais là où on me propose des projets intéressants. En ce moment, je tourne un court métrage d’une anthologie produite par le cinéaste mexicain Guillermo Arriaga, Words with Gods, à propos de la pratique de la religion partout dans le monde. Je n’exclus pas de revenir un jour aux États-Unis si un film se présente, mais je n’en fais pas un idéal ou une ambition parce que je crois que la carte du cinéma mondial est en train de bouger, et qu’il y a de nouvelles destinations excitantes qui apparaissent : la Chine, le Brésil, et plus encore l’Inde où l’on vient de me proposer de tourner un film.
Quel regard portez-vous sur la J-Horror, qui semble traverser une période de doute ?
Je ne parlerais pas de déclin, mais nous produisons en effet moins de bons films d’horreur. Trop de films ont été tournés, trop de remakes, de suites inutiles. Si nous essayons de nous répéter, nous allons nous effondrer. Mais le cinéma d’horreur, plus qu’aucun autre, est un genre cyclique, et je suis persuadé que d’ici cinq ans il y aura un nouveau mouvement au Japon.
20e Festival international du film fantastique de Gérardmer jusqu’au 3 février, www.festival-gerardmer.com
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