Sous inspiration pasolinienne, sur un ton de comédie poétique, le nouveau film d’Alice Rohwacher frappe par son originalité dans le paysage cinématographique mondial.
Le troisième film d’Alice Rohrwacher après les beaux Corpo celeste et Les Merveilles est un conte pasolinien loufoque (à la Ucellacci e Ucellini), une fable contemporaine sur le peuple, son exploitation, sur l’exode rural, sur les banques qui tuent.
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Le film commence à la campagne et décrit la vie dans une ferme archaïque à une époque bien difficile à déterminer. Le spectateur va bientôt découvrir qu’elle appartient à une marquise qui a réussi à couper ses paysans du reste du monde, ce qui lui permet de les exploiter à l’envi. En gros, ils ont 50 ans de retard sur notre époque et n’ont jamais entendu parler de salaires.
La révélation médiatique de leur sort lamentable va les libérer du joug de l’aristocrate, mais les projeter dans un monde moderne où ils ne trouvent pas leur place (métaphore évidente de l’exode rural brutal qui, au sortir du fascisme, projeta les gens des campagnes dans les bidonvilles des grandes villes italiennes).
Au milieu de tout cela vit un innocent (figure récurrente dans les films de Pasolini), Lazzaro, qui se laisse sadiser par tout le monde mais dont la gentillesse absolue garantit la sainteté (tendance très contemporaine : saint François d’Assise, l’apôtre médiéval de l’amour divin pour la nature et les animaux, est très présent dans ce personnage). Il va mourir accidentellement, mais quand on s’appelle Lazzare, comment ne pas ressusciter ?
Dans la deuxième partie du film, Lazzaro retrouve, devenus pauvres et voleurs, certains habitants de la ferme. Ils ont vieilli et grandi, eux. Le film prend alors le tour d’une comédie italienne à l’ancienne avec personnages croquignolets, petits bras de l’arnaque. Sergi Lopez se livre à un joli numéro comique. Alba Rohrwacher, la sœur de la réalisatrice, est une fois de plus de la partie et c’est toujours un plaisir de la retrouver.
Impossible de tout raconter. Le film regorge de trouvailles, de gags, de percées poétiques. Le film d’Alice Rohrwacher est certes politique, mais sur un ton tellement original qu’il ne verse jamais dans la dénonciation violente ou militante. Il ne fait que dresser in constat. Avec une tendresse constante pour ses personnages.
Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher (Fr./Ital./Suiss//All., 2018, 2h10), avec Adriano Tardiolo, Tommaso Ragno, Nicoletta Braschi, Alba Rohrwacher, Sergi Lopez.
En compétition officielle.
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