Un jeune Tunisien s’émancipe pour échapper à une vie toute tracée. Un portrait attachant.
Le plus souvent, dans les films arabes (nous sommes ici en Tunisie), ce sont les femmes qui sont rabrouées, maltraitées. C’est l’une des premières originalités du beau film de Mohamed Ben Attia : Hedi, le personnage éponyme, n’est certes pas opprimé comme une femme peut l’être, mais il a toujours vécu sous la férule d’une mère castratrice.
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Tout est rentré chez lui. Il subit. Sa vie semble toute tracée : un boulot de commercial qu’il déteste (il voudrait devenir dessinateur de BD), un employeur qui l’exploite, une jolie jeune femme qui respecte les us et coutumes du mariage traditionnel, un futur appartement payé par sa mère qui est veuve, et un job royal offert par son beau-père corrompu avec les restes de la période Ben Ali. De quoi se plaint-il ?
A Mahdia, au bord de la mer, dans un hôtel pour touristes où il est descendu pour son travail, il rencontre une jeune femme “libérée”, Rim, animatrice dans des centres de vacances, qui s’apprête à partir travailler à Montpellier. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Pour elle, il est prêt à tout laisser tomber. Peut-être. En tout cas, il sort de son mutisme et de son apathie, et se révolte contre sa mère et cette vie qu’on lui a imposée depuis toujours.
En filigrane, Ben Attia décrit un pays, c’est une évidence : les résidus de la dictature, des traditions, des règles désuètes (et belles, comme celle du mariage religieux), l’asservissement des citoyens : Hedi, c’est la Tunisie. La fin du film est au premier abord décevante : le récit semble soudain se dégonfler, paraît faire un pas en arrière et indiquer que Hedi va rentrer dans le droit chemin. Mais il y a eu cette belle scène avec son frère aîné qui vit en France avec une Française. On le croit sot, soumis lui aussi, mais on s’aperçoit soudainement qu’il a tout compris, surtout l’attitude de son frère.
Hedi ne va peut-être pas (qui sait ?) suivre la belle Rim en France où la vie peut être meilleure – là où son frère a fait la sienne – mais “n’est jamais facile”. Peut-être même qu’il ne deviendra pas dessinateur. Mais s’il reste, ce ne sera pas pour reprendre sa vie d’avant. Sa future existence sera celle d’un homme qui marche, d’un jeune homme qui comme son pays a eu de la peine à secouer le joug.
Rester chez soi, c’est parfois croire qu’on peut améliorer sa maison, dit le long métrage de Mohamed Ben Attia, et c’est très intelligemment formulé, filmé, sans jamais tomber dans la caricature et le film à message. Ça bouge, ça respire, ça sent le vent qui souffle dans les voiles, la vie qui vient.
Hedi – Un vent de liberté de Mohamed Ben Attia (Tun., Belg., Fr., 2016, 1 h 33)
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