Lo-film movie. Les joies et les peines des has-never-been de l’Amérique profonde dans un premier film réussi, au regard distancié. S’il y a une analogie à faire entre ce film et le rock, ce n’est pas avec le heavy-metal, comme ce titre faux-ami le suggère, mais avec le courant lo-fi. Et si la BO est […]
Lo-film movie. Les joies et les peines des has-never-been de l’Amérique profonde dans un premier film réussi, au regard distancié.
S’il y a une analogie à faire entre ce film et le rock, ce n’est pas avec le heavy-metal, comme ce titre faux-ami le suggère, mais avec le courant lo-fi. Et si la BO est signée par le bon vieux Thurston Moore pas trop inspiré , on pense plutôt à un équivalent cinématographique de Palace. Comme Will Oldham qui revisite le folk et la country dans une optique moderne et dépouillée, James Mangold porte sur l’Amérique profonde un regard distancié, débarrassé des clichés des genres hollywoodiens. Il plonge directement dans un microcosme régional et populaire, dénué de toute scorie théâtrale. Ce qui ravit ici et cela risque de dérouter des spectateurs habitués aux fictions américaines bodybuildées , c’est une retenue constante et un refus de sacrifier au « conflit central » prôné par les manuels de scénarios. A aucun moment n’intervient la catharsis, le dérapage brutal et dramatique, inévitable palliatif de l’ennui dans les films américains.
Heavy est simplement à l’image de son personnage principal, Victor, obèse introverti qui vit avec sa mère Dolly, tenancière d’une gargote au fin fond de l’Etat de New York. Victor n’a rien de heavy dans son attitude. C’est sa vie qui est lourde, accablante, sans éclat ; elle se déroule essentiellement dans le bistrot de Dolly, où il est cuisinier et où il côtoie les deux serveuses, Callie et Delores, ainsi que Leo, un habitué de l’établissement. Quand la jeune Callie (Liv Tyler), une étudiante craquante, est engagée par Dolly (Shelley Winters) pour seconder la revêche et blasée Delores l’ex-chanteuse Debbie Harry, surprenante dans ce contre-emploi , la routine mortelle de l’établissement s’en trouve chamboulée : la vie y fait son apparition…
L’arrivée de Callie va surtout réveiller la sensualité du fils à maman trentenaire, secrètement amoureux de la belle serveuse. Mais bien que l’essentiel du récit soit conditionné par le cheminement affectif de Victor, un chouïa autiste, jamais les choses ne se résolvent par un acting-out final ou/et fatal. Heavy se trouve aux antipodes de la démagogie spectaculaire de Rain man ou Forrest Gump.
Seule rupture de ton dans ce paysage en demi-teintes : les visions plutôt morbides de Victor qui s’imagine en héros sauvant Callie de la noyade. Hormis ces concessions ponctuelles à l’onirisme un onirisme glaçant , Mangold met en scène avec une justesse de bon aloi, sans esbroufe stylistique, les interactions quotidiennes de ces personnages restés sur le bas-côté de la vie, voire au bout du rouleau. Avec sa moue permanente, Debbie Harry exprime à merveille cette lassitude ; elle est l’incarnation vivante de la serveuse qui « essuie les verres au fond du café », que chantait Piaf. Du vrai blues blanc.
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