Après les propos de son confrère Philippe Lioret sur la responsabilité d’Israël dans la montée de l’islamisme au Moyen-Orient, le réalisateur Michel Hazanavicius a publié une lettre ouverte, dans laquelle il ne cache pas sa consternation.
Ca castagne sévère dans le cinéma français. Invité de Léa Salamé à la matinale de France Inter le 14 septembre dernier, le réalisateur Philippe Lioret s’est exprimé sur la crise des migrants, et, de manière plus générale, sur l’irrésistible montée de l’islamisme radical au Moyen-Orient, et les conflits meurtriers qui en résultent. Son film Welcome, qui racontait la tentative de traversée de la Manche par un jeune réfugié kurde donnant semble t-il du crédit à l’analyse géopolitique du cinéaste.
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Philippe Lioret a pointé du doigt la responsabilité israélienne dans le processus de radicalisation de la pensée islamique et la montée du terrorisme, voyant dans la Guerre de Six Jours, épisode tragique du conflit israélo-arabe survenu en juin 1967, l’un des principaux viviers des dérives islamistes. Une analyse que ne partage pas Michel Hazanivicius; le réalisateur de The Artist a en effet publié via sa page facebook, une longue lettre ouverte à son homologue, dans laquelle il exprime sa consternation face à de tels propos.
C’est avec une ironie mordante qu’Hazanavicius ouvre sa lettre, saluant l’effort intellectuel de son confrère, qui n’hésite pas à se hasarder dans des analyses géopolitiques : « On aurait pu redouter un peu de pathos, que tu parlerais de solidarité, d’indignation, mais non, tu as su être beaucoup plus intelligent que ça, et tu t’es evertué à poser le problème comme une équation géopolitique que tu te proposais d’aider à résoudre. » L’équation en question étant la mise en relation par Lioret de l’islamise radicale et la Guerre de Six Jours. Une analyse ironiquement jugée « superbe » par un Hazanivicius visiblement remonté.
Après un étalage d’exemples incongrus, ayant pour but de tourner en ridicule les arguments de Lioret (il évoque l’amour de Ben Laden pour Enrico Macias, un sketch de Popeck sur les caleçons molletonnés qui n’aurait pas fait rire les frères Kouachi ou l’aversion de Bachar el-Assad pour la scène du chewing-gum dans Rabi Jacob comme potentiels explications à l’islamisme radical), Hazanavicius va jusqu’à donner sa part de responsabilité au film Mademoiselle, réalisé par Lioret :
« Peut-être aussi l’absence d’auto critique. Personnellement, moi qui suis autant qualifié que toi pour expliquer ces grands mouvements migratoires et leurs tenants et aboutissants dans la situation géopolitique actuelle, j’ai tendance à croire – et je n’arrive pas à me l’enlever de la tête – que ton film Mademoiselle a quand même une part évidente de responsabilité.
Tu remarqueras d’ailleurs que là encore personne n’en parle, ce qui tendrait à prouver que
1 : j’ai raison
2 : il y a sans doute une convergence d’interêts derriere qui expliquerait ce silence
3 : Sandrine Bonnaire tire sûrement quelques ficelles dans l’ombre. »
Après ce savoureux syllogisme, le cinéaste continue sa saillie épistolaire en entrant dans le cœur du sujet, expliquant voir dans l’interligne du discours de Lioret, des relents « zemmouriens » :
Jétais un peu gêné par le fait que tu sembles croire tenir un discours minoritaire, qui se veut anti élitiste, de gauche, et humaniste, là où tu ne fais que reproduire le discours dominant, simpliste, plutôt réactionnaire, et juste assez polémique pour ravir les animateurs de radio et télé. Monter les gens les uns contre les autres, désigner des éternels coupables, créer de la tension, de la haine, tu admettras qu’il y a un moment où il n’y a plus rien de transgressif la dedans. Quoi qu’il en soit j’ai été étonné que toi aussi tu sois un zemmouroïde.
Hazanavicius conclut sa diatribe par un post-scriptum sans appel, expliquant à son confrère qu’« il n’est jamais trop tard pour dire qu’on a dit une connerie. »
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