Et quand le sexe quitte la catégorie « porno » pour infuser le cinéma « tradi », ça donne quoi ? Deux films se penchent sur la mécanique du désir.
Le 15 septembre sortira Happy Few, deuxième film très réussi d’Antony Cordier (prix Louis-Delluc pour Douches froides en 2005) : deux couples quadras avec enfants passent un pacte tacite par lequel ils échangent leurs partenaires.
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Il ne s’agit pas d’échangisme classique, chaque couple baisant de son côté. L’enjeu est bien plus important : chaque couple croisé/décroisé couche, dort et vit ensemble (et ne sait pas ce que fait l’autre couple dans le même temps), le temps de quelques nuits, comme s’ils appliquaient aux conjoints le principe de la garde alternée d’enfants. Bref, ils tentent de redéfinir le sexe, mais aussi le couple, la famille, les sentiments.
Le quatuor est interprété par Marina Foïs, Elodie Bouchez, Roschdy Zem et Nicolas Duvauchelle, quartet de comédiens célèbres qui ont dû se mettre à nu à tous points de vue. « Ça m’a toujours plu de filmer la sexualité, explique Antony Cordier. Je trouve que la nudité d’un acteur est un spectacle et qu’on peut la donner librement, sans la rattacher à la nécessité scénaristique. On entend souvent les acteurs dire : « Ça ne me gêne pas de tourner nu(e) si ce n’est pas gratuit, si c’est justifié dans le scénario. » Je n’ai jamais compris cette façon de penser. La nudité, il faut l’offrir, il ne faut pas la marchander dans la dramaturgie. Comme cette scène dans Sonatine, quand Kitano et la fille descendent vers la plage. Soudain elle s’arrête, elle s’adosse à un arbre et lui montre ses seins. C’est la surprise et la gratuité de la scène qui en fait la valeur érotique. »
« On ne fait jamais assez de plans larges dans les scènes d’amour »
Le réalisateur est assez précis quand il s’agit de filmer le sexe. Il entend résister à trois tentations. « La première, c’est le plan serré : par pudeur, on ne fait jamais assez de plans larges dans les scènes d’amour, on essaie toujours de caser off les parties du corps qui gênent. La deuxième, c’est l’ellipse : il ne faut pas essayer de poétiser le montage en esquivant la logique lourde des corps, en cassant la continuité gestuelle ; il faut filmer ce que le sexe a de littéral et de prosaïque pour que ça puisse se sublimer un peu sur la longueur ; de ce point de vue, Cronenberg est le meilleur filmeur de scènes de sexe. Cela n’a rien d’étonnant puisqu’il s’intéresse à la vie et au destin des corps, des membres, des organes. La troisième, c’est le pelotage : j’essaie de toucher les acteurs un peu moins que d’habitude, ce qui n’est pas facile parce que lorsqu’on les dirige on a toujours besoin de poser la main sur eux. »
Antony Cordier a été frappé par Crash, où Cronenberg enchaînait cut deux scènes de sexe : « Je voyais là un risque cinématographique excitant. Les spectateurs sont habitués à une certaine dose de scènes d’amour dans un long métrage, c’est bien d’essayer de dépasser la prescription pour que le sexe devienne autre chose qu’un moment excitant dans un film. »
Pour Cordier, le haut débit et la banalisation du porno ont libéré les réalisateurs du soupçon de racolage quand ils filment des acteurs nus. Selon lui, de toute façon, c’est le cinéma en général qui est érotique, depuis qu’adolescent, les films qui le fascinaient lui parlaient du monde des adultes.
Judith Godrèche dans une comédie très orientée cul
Autre réponse, le 22 décembre, avec Holiday de Guillaume Nicloux, une comédie vaudevillienne très orientée cul qui met en scène Judith Godrèche, Jean-Pierre Darroussin, Josiane Balasko et une palanquée de seconds rôles savoureux. A la différence d’Happy Few, le sexe dans Holiday est plus présent dans les dialogues et l’inconscient du film qu’à l’image. Si Guillaume Nicloux montre des scènes de partouzes, c’est plutôt avant ou après que pendant. Mais un peu comme dans Le Voyage aux Pyrénées des frères Larrieu (Darroussin est le point commun des deux films), il est fortement question de perte de libido, d’impuissance, de relance de la complexe mécanique du désir.
Si le sexe est peu « graphique » dans Holiday (hormis une ou deux scènes), il est omniprésent dans les dialogues, dans le jeu des acteurs et dans les pensées de tous les personnages. Chez Cordier, le sexe est un enjeu fort. Chez Nicloux, c’est plutôt un moyen de rire de l’éternelle comédie humaine.
Curieusement, ces deux films français arborent des titres anglais. Une langue étrangère serait-elle la première étincelle du désir ? Après tout, une seule lettre diffère entre exotisme et érotisme.
Happy Few d’Antony Cordier, sortie le 15 septembre Holiday de Guillaume Nicloux, sortie le 22 décembre.
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