Le récit d’un film au-delà du réel, objet mutant non identifiable, œuvre dont les qualités par-delà le bien et le mal découragent tout jugement. Cher Kenneth, Je t’écris pour te donner un peu de courage, ayant entendu dire que les snobs habituels avaient décidé de te gâcher ton séjour cannois en écrasant une tarte à […]
Le récit d’un film au-delà du réel, objet mutant non identifiable, œuvre dont les qualités par-delà le bien et le mal découragent tout jugement.
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Cher Kenneth,
Je t’écris pour te donner un peu de courage, ayant entendu dire que les snobs habituels avaient décidé de te gâcher ton séjour cannois en écrasant une tarte à la crème sur ta jolie petite tête. D’abord, souviens-toi que tu ES le nouveau Laurence Olivier ! Comme lui, tu es le PLUS GRAND acteur shakespearien de ton époque. COMME LUI, tu es passé avec aisance du théâtre au cinéma en filmant Henry V. Bien sûr, TA version était autrement plus fougueuse et enlevée que celle de l’ancêtre TOUT LE MONDE L’A DIT , mais soyons charitables… Comme lui, tu viens de tourner TON Hamlet. Tu joues le rôle en blondinet, comme Pépé Laurence dans le temps. Lui il avait la coupe au bol, mais TOI, tu es bien peigné et je t’assure que ça te va très très bien (mais qu’est-ce que tu es SEXY avec la moustache !). Et puis TOI, tu ne mégotes pas, tu n’es pas un gagne-petit. Au lieu de tourner la pièce comme Papy dans un clair-obscur lugubre, cache-misère de l’absence de moyens, tu fais un show GIGANTESQUE et GRANDIOSE en 70 mm, dans le plus grand château d’Angleterre, 90 hectares de neige artificielle pour les scènes en extérieur, des plateaux immenses éclairés plein pot, des hordes de figurants un décor vivant qui te fait une haie d’honneur permanente et une tripotée de vraies stars de cinéma : Julie Christie, Charlton « Ben Hur » Heston, Jack Lemmon, Robin Williams et même Gérard Depardieu, que tu te paies le luxe de convoquer pour dire trois fois « yes » et deux fois « no ». Sans parler des shakespeariens, dont le patriarche John Gielgud, auquel tu as le culot de donner un rôle muet (entre nous, c’est mieux pour tout le monde ; il radote, le vioque…). Je pourrais continuer comme ça à l’infini, tant TON TALENT NATUREL, TA GRACE INNEE me laissent éperdu d’admiration. Ne te démonte pas devant les quolibets et les gloussements de gens mesquins juste bons à avaler un McDo entre deux projos pendant que tu te tapes la cloche avec Gégé Dipardiou. Ils diront ce qu’ils veulent, mais non seulement tu es UN CINEASTE tu sais te jouer avec virtuosité des pires pièges du théâtre filmé tout en restant fidèle à l’esprit du barde , mais tu es le premier à tourner l’intégralité de la pièce : c’est ça, LA CLASSE ! Sont-ils bêtes au point de ne pas s’apercevoir du RAFFINEMENT de ta culture, de tes allusions savantes au gothique bavarois, au Sceptre d’Ottokar et au théâtre kabuki ? Ne voient-ils pas tes AUDACES, comme ce gros plan sur la flaque du sang de Polonius où se reflète la reine Gertrude. Et l’idée démente de la salle aux portes-miroir : du pur Kubrick ! Mais c’est des perles pour les pourceaux. Je te laisse, mon Kenny, mais je serai tout près de toi le jour de la première. Je te dis « MERDE ».
Ton indéfectible et adoré
Kenneth Branagh
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