Dans cette banlieue américaine, le teen movie s’écoule façon rêve brumeux et se réveille avec la gueule de bois. So strange and so good.
Ham on Rye nous revient de loin. D’abord présenté à Locarno en août 2019, le premier long métrage de Tyler Taormina s’était frayé, en janvier dernier, un chemin dans le brouillard d’une époque covidée en s’offrant une fenêtre de visibilité sur Mubi. Il sort cette fois-ci en salle mais nous semble toujours venu d’ailleurs.
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“Où est-ce qu’on ira ?”, demande Haley, bientôt proche de l’âge des grands départs, à ses copines qui lui répondent qu’elle pense trop et que, au lieu de cela, elle devrait plutôt écouter une chanson dans sa tête. Ham on Rye est aussi comme ça, il feint de ne pas savoir où aller et recycle amoureusement les ingrédients acidulés du teen movie tout en prenant ses distances – il est à la fois totalement lisible et éternellement mystérieux.
Il réfléchit beaucoup et nous invite à le faire sans nous forcer la main, il préfère se taire mais n’en pense pas moins, et laisse filer les chansons pour mieux brouiller les pistes et leurs multiples significations sans chercher l’effet de manche.
Ne reste qu’un vaste sentiment de solitude
On pénètre dans son drôle de monde de façade où la vie est “so good” et pourtant “so strange”, comme dans un demi-sommeil. Ses pavillons et ses jardins carrés forment l’illusion d’une vie normalisée et conforme à l’American way of life, mais à chaque instant on croirait voir ces maquettes en toc s’effriter.
Ham on Rye se déplie comme une énigme en trois parties, qui se jouent de leurs différences de ton : après le cocon référencé du premier chapitre et la transe musicale du deuxième – qui réunit les ados dans un diner le temps d’une soirée de communion trippante et musicale, où semble se jouer un important et mystérieux pacte –, le film s’achève sur un effet gueule de bois.
La rêverie pop et l’étrangeté se sont évaporées – le réel est peut-être trop triste. Il ne reste plus qu’un vaste sentiment de solitude. Une jeune fille reste accrochée à son téléphone, dans l’espoir que quelqu’un lui réponde. Peut-être que Ham on Rye nous revient d’entre les morts.
Ham on Rye de Tyler Taormina, avec Haley Bodell, Audrey Boos, Gabriella Herrara (É.-U., 2019, 1h26). En salle le 8 décembre.
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