Suite directe d’“Halloween” censée ressusciter avec panache la saga initiée par John Carpenter il y a plus de 40 ans, “Halloween Kills” s’égare dans une logique de surenchère et s’embourbe dans les pièges qui guettent inévitablement pareille entreprise : une vaine émulation du film culte de 1978, dénuée d’âme et de vision.
Le 6 octobre dernier, Netflix diffusait une étrangeté : un film d’horreur entièrement conçu par une intelligence artificielle. Dans ce court métrage de 4 minutes 22, réalisé en images de synthèse low cost, une jeune femme – du genre héroïne prototypique de slasher, blonde, sexy et ingénue – est suspendue à une corde au-dessus d’un parterre de tronçonneuses et de scies circulaires. Un tueur sadique, affublé d’un masque démoniaque, soumet sa victime à une série d’énigmes façon Saw, qu’elle devra résoudre pour survivre.
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Si Mr Puzzles Wants You To Be Less Alive (c’est son titre) est avant tout une bonne blague – le résultat d’un programme informatique ayant ingéré plus de 400 000 films d’horreur pour en restituer le substrat dans un format extrêmement condensé –, il revêt en souterrain une dimension théorique insoupçonnée.
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Passé son aspect rigolard et la joyeuse absurdité induite par son procédé, le film nous dit au fond que la terreur (et plus généralement l’émotion) qui nous saisit devant un film d’horreur est avant tout question de point de vue, et donc d’écriture et de mise en scène. Simplement enquiller les codes du genre dans un vaste jeu citationnel, c’est priver le film d’âme. Halloween Kills, dernière itération de la franchise initiée par John Carpenter en 1978, ressemble en tout point à cela : un programme informatique qui aurait enregistré méthodiquement tous les opus de la saga, pour en restituer un best of clinique et sanglant, mais dénué d’âme.
David Gordon Green revient derrière la caméra
En 2018, David Gordon Green signait avec Halloween un épisode censément plus conforme au matériau d’origine qu’aucun de ses prédécesseurs (en témoigne son titre programmatique), un retour aux sources, autoproclamé incontournable, qui avait pour mission de faire oublier les errances d’une saga comptant plus de navets que de réussites. Hélas, passé l’hagiographie pompière et servile au film de Carpenter, et l’exhumation de personnages emblématiques de la saga (notamment Jamie Lee Curtis, sa première scream queen), le film n’avait pas grand chose à raconter et se clôturait sur l’image, devenue ritournelle, de l’increvable Michael Myers brûlant dans les flammes.
C’est le même David Gordon Green qui revient avec Halloween Kills, sa suite directe, et surprise (non) : Michael Myers a survécu et s’apprête (on vous le donne en mille) à semer la terreur dans la bourgade d’Haddonfield. Sauf que cette fois, les habitants de la petite ville pavillonnaire, parmi lesquels on dénombre trois générations de victimes du bourreau, ne comptent pas se laisser faire. Ils organisent une véritable milice populaire chargée d’en finir pour de bon avec Michael Myers, et de préférence dans un bain d’hémoglobine, avec Micheal Myers.
Rouge sang, mais chou blanc
Avec pour seul horizon “philosophique” des considérations vues et revues (le mal engendre le mal, la violence engendre la violence) et pour moteur une exhumation cosmétique du film de 1978 et une logique de surenchère, Halloween Kills ne parvient jamais à nous faire oublier ce qu’il est fondamentalement : un produit calibré, turbinant au fan service et à l’hommage doucereux, d’où n’affleure aucune émotion ni même nostalgie, sinon celle d’un temps lointain où le slasher était autre chose qu’un vaste terrain de jeu référentiel, inféodé à son propre culte.
Dans le film de 1978, devenu un classique et la matrice du slasher, Carpenter dissimulait la venimosité de son propos – l’auscultation d’une suburb américaine a priori banale et clinquante par l’itinéraire meurtrier d’un de ses enfants, l’enracinement d’un mal impénétrable et sans objet apparent – derrière une simplicité formelle et une mise en scène au cordeau, à l’horreur lapidaire et tétanisante. David Gordon Green fait ici l’inverse et camoufle la simplicité (pour ne pas dire l’indigence) de son propos derrière une complexité fallacieuse, faite d’entrelacements et d’auto-références lourdingues à la saga, le tout baigné dans des litrons d’hémoglobine, pour mieux noyer sa vacuité. On nous avait promis autre chose qu’un navet, force est de constater qu’Halloween Kills fait chou blanc.
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