Les problèmes d’un prof de lycée défavorisé de Brooklyn : une oeuvre équilibrée qui déjoue l’hypocrisie attendue.
Un jeune professeur d’histoire blanc qui enseigne dans un lycée défavorisé de Brooklyn se prend d’amitié pour une élève noire vivant dans un environnement criminogène. Dans ses grandes lignes, ce film indé pur jus sent à plein nez le politiquement correct. Pourtant, il y a un os dans le potage : l’enseignant est accro au crack. C’est là toute la différence avec Le Cercle des poètes disparus. Si le professeur se la joue pédago-chic auprès des lycéens avec sa pseudo dialectique hégélienne, il est défoncé les trois quarts du temps, ce qui disqualifie son brio professoral et suscite une scène assez troublante : la jeune ado de 13 ans devient quasiment la dealeuse de son prof en pleine partouze dans un motel. Mais le film n’exploite pas une telle situation sur un mode racoleur. Au contraire, l’épisode, vite expédié, fait plutôt figure de dérapage ponctuel pour l’un et l’autre des protagonistes. L’intérêt du film est de rester sensible, filmage à l’épaule sobre, sens de la durée, sans appuyer sur le pathos potentiel. En tout cas, la rédemption attendue des protagonistes n’a pas lieu, pas plus que leur déchéance romantique. Ce statu quo modéré emporte l’adhésion. Autre atout, l’interprétation relativement sans esbroufe de l’acteur principal Ryan Gosling – bien qu’il soit encore trop jeune et trop joli pour convaincre totalement – et surtout de Shareeka Epps, la petite Black qui, elle, fait exclusivement dans la rétention butée ; ce qui pour le coup la rend plus intéressante qu’une quelconque lolita aguicheuse. Bref, un ensemble de bon aloi, malgré des apparences un peu trompeuses. Après, savoir si tout ça n’est pas trop faussement modeste pour être honnête, et si l’alibi junk n’est pas juste une ruse scénaristique pour faire avaler la pilule : difficile à dire. Enfin, on n’est plus à une époque où être complètement dépendant des drogues dures est valorisant, synonyme de révolte. Si Pete Doherty succombait d’une overdose, on doute qu’il acquière l’aura posthume d’un Morrison ou d’un Hendrix. Evidemment, on pourrait rétorquer que seul un cinéaste hypocrite peut faire d’un drogué une figure positive, voire paternelle. Mais ici, le prof camé apparaît plutôt comme un handicapé de la société, un paria fragile, et sa dévotion désintéressée à une élève ne le rachète pas. Cela dit, il n’est pas prouvé que Dan Dunne, le prof fumeur de crack, soit plus crédible que, par exemple, John McLane, le surhomme invincible de Die Hard. Mais a-t-on jamais aimé le cinéma américain pour son réalisme ? Non.
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