Révélée par « La Graine et le Mulet », à l’affiche de deux films présentés au Festival de Cannes, Hafsia Herzi évoque son Marseille : celui du XIIIe, des plages et des cheveux repassés. Article extrait de notre numéro spécial Marseille, en kiosque jusqu’au 10 mai.
« Je suis née à la clinique Beauregard dans le XIIIe arrondissement et j’ai toujours vécu là avant de venir m’installer à Paris. Le XIIIe fait partie de ce qu’on appelle généralement “les quartiers Nord”. J’ai d’abord habité aux Oliviers, puis vers l’âge de 10 ans, j’ai déménagé à Bellevue. Toute ma famille vit encore là-bas.
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J’ai quatre grands frères et une grande soeur. On a grandi tous ensemble. J’ai encore ma chambre chez ma mère, je redescends le plus souvent possible. Elle me raconte la vie du quartier tous les jours au téléphone. L’autre fois, elle m’a dit que le tabac près de notre ancien immeuble avait brûlé. Elle est mon fil d’info quotidien, directement relié au XIIIe arrondissement de Marseille.
Chaque fois que je reviens dans mon quartier, j’éprouve une certaine nostalgie. Ça a été très dur pour moi de prendre la décision de vivre à Paris. Si je n’avais pas fait du cinéma, je serais certainement devenue infirmière et je serais restée à Marseille. J’aurai bossé dans l’un des hôpitaux de la ville. J’ai passé beaucoup de temps dans le XIIIe : on restait sur place, parce qu’on n’avait pas de voiture. J’ai encore beaucoup d’amis là-bas : on essaie de se voir, mais c’est compliqué car je suis loin. Parfois ils viennent me voir à Paris.
« C’était un peu la misère, mais je ne m’en rendais pas compte »
J’ai étudié au collège Rostand, puis au lycée Diderot, des lycées très animés. Les Oliviers, comme Bellevue, ça n’était pas très beau. C’est toujours le cas de grandes tours aux couleurs usées par le temps. C’était un peu la misère, mais je ne m’en rendais pas compte. Au contraire, j’ai de très bons souvenirs. On n’avait rien et on s’amusait. On parlait des heures avec mes copines, on était assez drôles je crois. On s’envoyait des vannes : le Marseillais est moqueur. Mes copines, c’était des sketches.
A Marseille, les filles ont du caractère, elles ne se laissent pas faire. J’ai utilisé ça quand j’ai réalisé un petit court métrage, Le Rodba. C’est très théâtral Marseille, on croise des acteurs à chaque coin de rue, et on s’en sort toujours avec de la tchatche. Pourtant, ce qui nous manque, ce sont des cinémas, des théâtres. A Marseille, on ne fait pas de place à la culture, je ne comprends pas pourquoi. J’ai toujours eu du mal pour voir des films ; la majorité je les ai vus à la télévision, pas en salle.
« J’aimerais tourner un film ici »
J’ai passé tous les castings de Marseille. Je décortiquais tous les journaux qu’on avait dans la boîte aux lettres. J’ai même fait celui de Plus belle la vie, on m’a refusée. A Marseille, ce qu’on trouvait avant tout, c’était de la figuration. Moi je voulais une phrase dans un film, c’est tout, et puis il y a le film d’Abdellatif Kechiche, La Graine et le Mulet : le casting s’est passé à Marseille, j’ai eu de la chance. Devenir actrice, c’était un rêve. Marseille est une ville très cinématographique. Elle est assez peu exploitée. J’aimerais tourner un film ici. Ça fait vraiment partie de mes projets.
L’été, je passais beaucoup de temps à la plage. Les Catalans, le Prophète, le Prado. Quand on a eu une voiture avec mes copines, on est allées vers des plages plus lointaines : Saint-Cyr-les-Lecques, ou encore La Ciotat. On partait à 9 heures, on rentrait vers 20 heures. On était bien, allongées sur le sable à ne rien faire : on bronzait jusqu’à se brûler.
La plage, ça drague énormément. Ça se la joue un petit peu mais c’est gentil. Les garçons peuvent être assez drôles : ils t’écrivent des poèmes, des chansons. Un mec a écrit une chanson à une copine juste après lui avoir demandé son prénom – ça n’a pas marché pour lui, même si la chanson n’était pas mal…
Avec mes copines, on pouvait passer des heures à parler en regardant la mer : l’école, les séries, les garçons, les autres filles, on était des pipelettes. On était très coquettes aussi, on se faisait des brushings, des couleurs. Je me suis teint les cheveux en rouge une fois. On rêvait d’avoir les yeux clairs : j’ai mis des lentilles grises, mais après j’ai eu les yeux rouges. On voulait absolument avoir les cheveux raides, et vu qu’on ne pouvait pas toujours se payer des brushings, on se mettait les cheveux sur la planche à repasser et on se passait le fer dessus. Je ne pense pas que ce soit une technique marseillaise, enfin peut-être.
Ados, on allait dans des boîtes ouvertes l’après-midi, on buvait du jus de pomme et on dansait, c’était vers le Prado. Je disais à ma mère que j’allais à la danse. Ce qui n’était pas complètement faux.”
Propos recueillis par Pierre Siankowski
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