Avant la sortie de son prochain Harvey Milk, il nous parle de la genèse du projet, de Brokeback Mountain et de l’évolution de la question gay dans la société américaine.
Portiez-vous le projet de filmer la vie d’Harvey Milk, le premier conseiller municipal gay de San Francisco, depuis longtemps ?
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J’ai commencé à m’y intéresser en 1992, quand Oliver Stone a délaissé ce projet. J’ai travaillé dessus pendant un an mais le scénario d’Oliver ne me convenait pas. A mon tour, j’ai laissé tomber. Ce n’est que l’année dernière que j’ai repris cette idée en découvrant le scénario de Dustin Lance Black. J’avais vu un documentaire sur Harvey Milk, mais je n’ai pas de souvenirs directs de lui. A l’époque, j’étais dans mes 20 ans, je n’étais pas impliqué dans la politique. Par contre, je me souviens du jour où il a été tué (le 27 novembre 1978 – ndlr) : le maire de San Francisco avait été tué avec lui et c’était une nouvelle d’impact national. Alors que l’action de Milk était plutôt locale, connue surtout des habitants de San Francisco. Ce film va faire connaître Milk aux Français, mais aussi aux Américains, qui ne connaissent pas si bien que ça l’histoire du mouvement gay.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la question gay aux Etats-Unis depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui ?
Je pense que beaucoup de progrès ont été accomplis. Il n’y a pas longtemps, un ami m’a dit combien il aurait aimé vivre dans les années 60 pour pouvoir rencontrer des rockers comme Jimi Hendrix ou Janis Joplin. Je lui disais que c’était beaucoup mieux maintenant, non seulement la situation des gays, mais même la musique ! Concernant la question gay, il y avait une effervescence dans les années 70 qui a peut-être disparu aujourd’hui, mais c’est dû au fait qu’ils étaient des pionniers, que tout était neuf. Les gays de l’époque étaient de vrais rebelles, alors que les gays contemporains sont plus acceptés et intégrés.
Ces progrès sont-ils aussi avérés dans les campagnes que dans les grandes villes ?
Il me semble. Il faut se méfier d’un autre préjugé, celui des urbains qui s’imaginent que les ruraux sont un peu en retard. Ce n’est pas toujours vrai. Quand Brokeback Mountain est sorti, des gens du Wyoming ont dit que c’était de la pure invention, que les cowboys gays n’existaient pas ! Le New York Times a répondu en publiant plusieurs pages d’entretiens avec des cow-boys gays ! J’ai appris dans cet article qu’il existait des rodéos gays. On ne sait pas forcément ces choses-là quand on ne vit pas dans ces régions, mais ce n’est pas parce qu’on les ignore qu’elles n’existent pas. Peut-être que les choses évoluent plus lentement dans les campagnes, mais elles évoluent. Jusqu’à il y a une dizaine d’années, illégal d’être gay dans certaines petites villes. Et puis la Cour suprême a pris une décision qui a fait jurisprudence, interdisant les lois antisodomie dans un bled du Texas.
Le vote en faveur de la Proposition 8 en Californie, rendant illégal le mariage homosexuel, apparaît comme une inquiétante régression.
Le mariage gay pose la question de l’égalité entre hétéros et gays, c’est-à-dire entre tous les citoyens. Le caractère sacré du mariage a beaucoup compté et peut-être qu’une partie des gens qui ont voté contre n’étaient pas obligatoirement homophobes mais pensaient “on ne touche pas au mariage, c’est sacré”. Cela dit, le mariage n’est pas seulement une question religieuse ou sacrée, il implique aussi des aspects légaux, économiques, administratifs, fiscaux. Si les gays n’ont pas le droit de se marier, ça les prive d’un certain nombre de droits attachés au mariage dont bénéficient les hétéros. Mais le résultat de ce vote n’était pas si surprenant, on s’y attendait un peu.
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