Clint Eastwood vient d’illustrer une page glorieuse du ciné aéronautique avec “Sully”. Nous proposons à cette occasion d’explorer les airs à travers cinq genres.
Le cinéma a donné ses lettres de noblesse au train (La Bête humaine, La mort aux trousses), mais on a tendance à oublier le nombre de films situés et tournés dans les airs, aussi bien à l’époque du cinéma classique (guerres mondiales et aéropostale) que maintenant. L’avion étant le plus fréquent moyen de transport international, les films qui s’y déroulent sont innombrables. Pourtant, les Français restent à la traîne dans ce domaine. On ne peut pas dire que L’Avion de Cédric Kahn – sur un modèle réduit –, ou La Jetée de Chris Marker – situé dans un aéroport –, soient des films aéronautiques. La suprématie de l’air au cinéma reste donc imperturbablement américaine (à l’exception du dessin animé). Petit tour d’horizon cinématographique sur un mode de transport qui s’adapte à tous les genres.
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Guerre/histoire : l’étoffe des héros
La catégorie la plus riche et la plus romanesque, que la plupart des grands cinéastes ont illustrée – sauf Hitchcock grand fana du train. La référence absolue du mélo d’aviation reste dans doute Seuls les anges ont des ailes (1939) de Howard Hawks, dont la toile de fond est la grande épopée des pionniers de l’aéropostale. Casting de rêve (dont Cary Grant et Rita Hayworth) pour une histoire inspirée de faits réels, où Hawks ménage à la fois les enjeux sentimentaux, amicaux et professionnels. Le cinéaste n’en était pas à son coup d’essai dans ce domaine. Il avait déjà réalisé Brumes, également sur l’aéropostale, et surtout une œuvre de référence, La Patrouille de l’aube (1930), sur les pilotes de la Première guerre mondiale. A ce propos, il eut un concurrent de poids la même année, son quasi-homonyme et concurrent Howard Hughes, pionnier milliardaire de l’aviation, qui réalisa et produisit Les Anges de l’enfer. On imagine les mots Hell’s Angels – titre original – en lettres de feu sur tout le Hollywood Boulevard pour le lancement en grande pompe du film. Une partie de Aviator, biopic de Howard Hughes par Scorsese (avec Di Caprio), relate d’ailleurs le tournage rocambolesque de Hell’s Angels.
https://www.youtube.com/watch?v=hJJeg3i4OyY
Catastrophe : plus dure sera la chute
Les films d’accidents ou d’attentats aériens sont légion. C’est précisément Airport, début d’une courte franchise, qui inaugurera la vague du cinéma catastrophe des années 1970 (nanars luxueux et paresseux caractérisés par leurs brochettes de stars has-been). Elle s’achèvera avec le fiasco de l’inénarrable Airport 80 – Concorde. Un nanar piloté par Alain Delon, qui y crashera sa non-carrière hollywoodienne. Si la plupart des Airport ont pour ressort le terrorisme, cela reste stylisé. Aux antipodes, il y a le bien plus réaliste Vol 93 de Paul Greengrass, maestro parkinsonien des Jason Bourne, qui retrace sans vedettes, et sur un mode trop factuel pour certains, l’odyssée tragique d’un des Boeings détournés du 11 septembre 2001 (qui s’écrasa dans la nature). Mais c’est dans des œuvres hors-genre qu’on trouve les plus étonnantes scènes d’explosion en vol, comme le bien nommé Etat second de Peter Weir, avec Jeff Bridges, ou la série Lost, dont la destruction d’un avion est la scène primitive.
Horreur : l’enfer c’est les autres
Les films d’horreur dans les nuages sont courants, mais peu mémorables. On retient tout de même une série B assez bêbête, c’est le cas de le dire, Des serpents dans l’avion de l’obscur David R. Ellis. Mêlant catastrophe et horreur, ce thriller grossier fonctionne pourtant assez bien, pas grâce aux reptiles qui menacent les passagers, mais à la prestation de l’explosif Samuel L. Jackson, en policier nerveux. L’une des plus belles réussites dans la catégorie, quoique brève, sera un segment du film collectif La Quatrième dimension de George “Mad Max“ Miller : le remake d’un épisode de la mythique série TV de Rod Serling, intitulé Cauchemar à 20000 pieds, où le passager d’un avion aperçoit soudain un monstre de l’autre côté d’un hublot, debout sur une aile et saccageant un moteur. Un mélange d’horreur et de grotesque aussi sobre que flippant. Mais on attend toujours un trip aérien du calibre d’Alien.
Comédie : explosion (de rire) en plein vol
La comédie Y a-t-il un pilote dans l’avion ? du trio ZAZ (Zucker, Abrahams, Zucker) a bien plus marqué les esprits que les navets catastrophe dont elle se gausse (A l’heure zéro et Airport). Une belle idée du film parmi d’autres est son générique d’ouverture, s’inspirant du thriller maritime Les Dents de la mer. Plus tard, un membre des ZAZ, Jim Abrahams, tournera Hot shots !, pastiche de Top Gun de Tony Scott, où Charlie Sheen campe Tom Cruise. Soit dit en passant, pour Quentin Tarantino, la plus-value kitsch du Top Gun réside dans ses nombreux sous-entendus gay. On inclura dans la catégorie le piquant Arrête-moi si tu peux de Spielberg, histoire d’un imposteur se faisant passer, notamment, pour un pilote de ligne. Un avant-goût du dévastateur Loup de Wall Street avec le même DiCaprio.
https://www.youtube.com/watch?v=YIBRmqQzEcA
Dessin animé : le dernier maître de l’air
Fils du directeur d’une firme aéronautique portant son nom, Hayao Miyazaki a contracté le virus de l’aviation dès l’enfance. Parmi les auteurs de dessins animés, c’est celui qui a exprimé avec une plus grande force sa fascination pour le ciel et ce qui s’y meut. Sans faire l’inventaire des engins volants dans son œuvre, citons trois exemples marquants : Le Château dans le ciel, qui se déroule essentiellement dans les airs, où tout un monde grouillant s’agite ; Porco Rosso, situé dans les années 1920, sur les exploits et les amours d’un cochon romantique, pilote d’hydravion ; et enfin, situé à la même époque, son dernier film, le réaliste et grave Le Vent se lève, sur les débuts de l’industrie aéronautique au Japon. Cette prédilection pour l’espace aérien révèle chez Miyazaki un refus récurrent de la contrainte exercée par l’attraction terrestre, et par extension un certain rejet de l’humanité, vecteur de destruction du monde.
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