Qu’Allison Anders mette à nouveau en scène un destin de femme n’est pas une surprise, après Gas, food, lodging (1992) et Mi vida loca (1994). On s’étonne davantage qu’elle soit passée de petits budgets indépendants à une solide production Universal. Et on s’inquiète : aura-t-elle perdu en chemin tout ce qui faisait le sel de […]
Qu’Allison Anders mette à nouveau en scène un destin de femme n’est pas une surprise, après Gas, food, lodging (1992) et Mi vida loca (1994). On s’étonne davantage qu’elle soit passée de petits budgets indépendants à une solide production Universal. Et on s’inquiète : aura-t-elle perdu en chemin tout ce qui faisait le sel de ses premiers films un peu bricolés ? Grace of my heart, c’est vingt ans de la vie de l’auteur-compositeur-interprète Edna Buxton (Illeana Douglas, repérée en sœur patineuse de Matt Dillon dans le piquant Prête à tout). En 1958, elle décide de quitter son Philadelphie natal pour tenter sa chance à New York en tant que chanteuse. Là-bas, le producteur Joel Millner (John Turturro) la remarque, mais préfère qu’elle écrive des chansons pour d’autres interprètes. La carrière de Denise Waverly (c’est ainsi qu’il l’a rebaptisée) ne fait que commencer… Drôle de film. On ne s’ennuie jamais vraiment parce qu’Allison Anders a un don indéniable pour la direction d’acteurs et qu’elle a réuni un casting de première main avec John Turturro, inoubliable jusqu’au moindre petit rôle, son film est un régal à cet égard. En revanche, on a le sentiment que la forme du film (long biopic) limite souvent son talent de réalisatrice. Dans les passages les plus faibles, la mise en scène ne se démarque pas d’un téléfilm lambda. La plupart du temps, on ne retrouve pas le ton très personnel qui caractérisait ses premiers films. C’est souvent trop sage, trop convenu, trop formaté. Heureusement, un thème pareil est une mine. Et même si le scénario est très linéaire (les hauts et les bas de la carrière d’Edna, le défilé des hommes de sa vie), on prend un vrai plaisir à faire le parallèle entre ce qu’on connaît de cette époque et ce que le film en retient. Ainsi, l’immeuble où travaillent tous ces musiciens évoque-t-il le Brill Building où se fabriquait dans les années 50 la crème de la pop américaine. Le producteur Joel Millner, inventeur des girls groups, renvoie directement à Phil Spector. Le personnage génial mais dépressif de Matt Dillon s’inspire de Brian Wilson. Et la période seventies de Denise Waverly doit beaucoup à Carole King. Enfin, gros coup de cœur pour la BO, avec en tête de liste le titre composé pour l’occasion par Burt Bacharach et Elvis Costello, God give me strength. Si le film n’est pas obligatoire, ce disque-là, si.
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