Héros hipsters de la scène indé new-yorkaise, Josh et Ben plonge le beau Bob dans un thriller urbain de braquage et d’évasion remuant et dangereux comme un trip sous acide. Un des temps forts du festival.
Le cinéma des frères Safdie est né pour nous à Cannes, à la fin des années 2000, lorsqu’on tombait sous le charme décousu et revigorant de The pleasure of being robbed (leur premier long-métrage présenté à la Quinzaine en 2008) puis de Lenny and the kids (toujours à la Quinzaine, l’année suivante). Tournés avec des budgets insignes, dans un style visuel savamment brouillon (orgie de zooms, plans hyper tremblés), les films puisaient sans complexe dans les classiques sixties du cinéma américain indé (Cassavetes, Barbara Loden, Robert Kramer…). Et pourtant quelque chose de neuf pointait, l’enregistrement juste et documenté d’une génération, celle des hipsters précaires qu’on retrouverait quelques années plus tard dans Girls – Lena Dunham étant comme les Safdie l’émanation de cette scène dite du Mumblecore, n’aimant rien tant que le verbiage introspectif entre trentenaires tourmentés mais cocasses.
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Alors que la scène a été récupérée par des productions plus lourdes (le succès de Frances Ha, avec l’ex reine du mumblecore, Greta Gerwig), que ses membres se sont dispersés entre la télévision d’auteur (Lena Dunham, les frères Duplass, de Transparent à Togetherness), les Safdie sont les premiers de la bande à intégrer la ligue 1 de l’art et essai mondial emblématisée par la Compétition cannoise. Good time, leur quatrième long-métrage, marque effectivement une montée en gamme des cinéastes : présence d’une énorme star (le toujours audacieux Robert Pattinson), budget plus opulent, confrontation au cinéma de genre (en l’occurrence le thriller urbain). Mais cette croissance ne produit aucune crise. Au contraire, les deux cinéastes gagnent en puissance sans perdre du tout en inventivité.
Pattinson est dément
Connie (Pattinson) est un jeune braqueur speed et instable, qui entraine dans ses mauvais coups son frère handicapé mental, Nick (impressionnant Ben Safdie, un des deux cinéastes). A l’issue d’un braquage qui tourne mal, Nick est arrêté. Connie, en cavale, cherche à le faire évader. Mais, et c’est la grande puissance dramatique du film, chaque intention produit systématique l’effet inverse de celui recherché. Le film noue un oppressant engrennage, où les actions entrainent systematiquement de mauvaises réactions, où les volontés sont invariablement contrariées, dans des proportions parfois délirantes et spectaculaires (on ne se souvient pas par exemple d’avoir déjà vu une évasion réussie mais pas de la bonne personne). La moindre convention inhérente au film policier est dynamitée par une force innovante inouie (dans les échelles de plans, les dissonances de montage, l’expressionnisme extravagant et très neuf de la lumière et des couleurs – sales et saturées). La pulsation du film est brutale, hocquetante, et Pattinson est dément, parfaitement à l’unisson décavé du film. Si il y a une justice, le film devrait se retrouver deux fois au palmarès : Prix de la mise en scène pour les frères et Prix d’interprétation masculine pour Pattinson.
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