Un jeune réalisateur belge embarque une femme ordinaire dans une odyssée extraordinaire.
Une invitation au voyage vers un pays lointain et ésotérique, c’est ce qu’évoque le titre du troisième film du jeune réalisateur belge Bas Devos, présenté à la Quinzaine des réalisateurs cette année. Mais dans Ghost Tropic, nulle autre jungle que celle du Bruxelles noctambule, nuls autres fantômes que ses habitants égarés loin de leur lit.
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Pourtant, il s’agit bien d’un voyage, celui de Khadija, femme de ménage d’une cinquantaine d’années qui s’endort dans le dernier métro et se retrouve au bout de la ligne, obligée de rentrer chez elle à pied.
Sa solitaire odyssée nocturne est interrompue par des rencontres. La caissière d’une station essence, un sans-abri et son chien, le vigile d’un supermarché désert sont autant d’étapes, de ports d’attache où le récit s’amarre avant de flotter à nouveau.
Car Ghost Tropic est un film qui lévite sur la ville, sur la société qu’il habite et sur le cinéma social dont il est le cousin éloigné. Lorsque la caméra se promène dans la solitude des rues baignées d’éclairage public, elle adopte une position étrange : ce n’est pas le point de vue du conducteur, ni celui du marcheur et encore moins celui d’un drone.
S’extraire d’un monde terne
C’est un point de vue intermédiaire, à trois mètres du sol environ, celui du mage qui navigue les pieds légèrement décollés du sol. A bien y regarder, avec sa voix d’enfant, son sourire malicieux et sa démarche un peu bossue, Khadija a des airs de fée de nuit.
Le réenchantement du monde proposé par Ghost Tropic est aussi modeste que sublime et engagé. Comme tout réenchantement, il s’extrait d’un monde terne, qui prend dans le film la forme d’une affiche publicitaire avec palmiers et plage de sable fin, où sont écrits les mots Get Lost, et devant laquelle Khadija s’arrête un instant.
A ce désir d’évasion de pacotille, produit formaté du libéralisme inaccessible au prolétariat, le film oppose une odyssée simple et magique, banale et extraordinaire, posée quelque part entre Miguel Gomes et Chantal Akerman.
Ghost Tropic de Bas Devos, avec Saadia Bentaïeb, Maaike Neuville, Nora Dar (Bel., 2019, 1 h 25), en salle le 1er janvier
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