Sous ses aspects de manga, une magnifique réflexion sur la mémoire et la persistance des images. Dès les premiers plans, on comprend que Ghost in the shell n’est pas un manga ordinaire. La précision du découpage, le soin apporté à l’animation, l’inventivité constante de la mise en scène de Mamoru Oshii, tout contribue à faire […]
Sous ses aspects de manga, une magnifique réflexion sur la mémoire et la persistance des images.
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Dès les premiers plans, on comprend que Ghost in the shell n’est pas un manga ordinaire. La précision du découpage, le soin apporté à l’animation, l’inventivité constante de la mise en scène de Mamoru Oshii, tout contribue à faire sortir le film des frontières étroites d’un nouveau genre destiné aux adolescents. Adapté d’un célèbre manga à succès de Shirow Masamune, Ghost in the shell n’est pas un simple produit dérivé. Bien au contraire, il tire le « cyber-manga » sous-genre souvent assez primaire vers le très bon cinéma. A l’indéniable beauté plastique du dessin se superposent nos propres souvenirs de spectateurs « à l’ancienne », éternellement en retard d’une innovation.
Si le Major Kusanagi est un(e) « cyborg » (« Humain dont le corps a été partiellement ou presque entièrement altéré par l’utilisation d’organes ou de composants de substitution artificiels », selon la définition d’un dossier de presse qui se veut pédagogue), elle est aussi la descendante directe des flics d’autrefois, tiraillés entre leur quête individuelle et la résolution d’une ténébreuse énigme. Comme son héroïne, Ghost in the shell et agité de multiples réminiscences venues du corpus cinématographique « classique ». Inspiré de Hong-Kong, le paysage urbain fait irrésistiblement penser aux films de John Woo ou à ceux de Wong Kar-wai. Mais on songe aussi à Ozu en voyant Kusanagi contempler les gestes quotidiens du travail derrière les immeubles de verre. Ou à John Ford et à la grande scène de la rivière dans Les Deux cavaliers lorsque l’action s’arrête le temps d’une longue discussion. Et même à Bergman et Persona quand les deux visages de Kusanagi et de son double finissent par se rejoindre jusqu’à se confondre. Loin de n’être qu’une accumulation de combats et de poursuites ou un alliage putassier de sexe et de violence, le film sait prendre son temps, stopper
le mouvement effréné de l’intrigue pour livrer quelques réflexions finalement pas si éloignées de Deleuze ou de Virilio. Certes, Ghost in the shell reste un manga mais c’est un manga philosophique. Munie de seins parfaits mais privée de ses poils pubiens (on est au Japon où ça ne rigole pas avec les attributs capillaires !), Kusanagi souffre de troubles mémoriels qui viennent parasiter la froideur clinique de son corps-machine. Aussi incompréhensible que l’était celle du Grand sommeil bien plus même, puisque ici nous ne connaissons pas les codes et qu’il nous faut sans cesse les ingurgiter , l’histoire est difficile à suivre et impossible à résumer. Mais qu’importe, l’essentiel est ailleurs, dans une fascinante réflexion sur le surgissement incontrôlable de la mémoire comme définition même de l’humanité. A force de se balader dans les espaces infinis du Net, la créature blonde dirigée par le « Puppet Master » s’est dotée d’une conscience conscience d’elle-même et de l’inéluctabilité de sa disparition. Je ne connais pas ce Mamoru Oshii, je n’ai pas vu ses films précédents mais je sais que c’est un grand poète. Il vient d’inventer le manga mélancolique.
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