La quintessence de l’art de Dreyer, cinéaste de l’absolu et de la transcendance, ou l’histoire d’une cantatrice qui vit l’amour comme une religion.Ce film qui se déroule au début du XXe siècle raconte les déconvenues sentimentales de la cantatrice Gertrud : elle quitte son mari ; a une liaison décevante avec un jeune musicien arriviste […]
La quintessence de l’art de Dreyer, cinéaste de l’absolu et de la transcendance, ou l’histoire d’une cantatrice qui vit l’amour comme une religion.
Ce film qui se déroule au début du XXe siècle raconte les déconvenues sentimentales de la cantatrice Gertrud : elle quitte son mari ;
a une liaison décevante avec un jeune musicien arriviste ; retrouve un poète dont elle a été la maîtresse ; et se confie à un ami qu’elle aurait pu aimer. Noir et blanc délicat en dégradés de gris, plans-séquences, indicible intensité et malaise pénétrant. Tout cela fait ressembler les films de Bergman à du théâtre de boulevard. Ce dernier film de Dreyer fut sans doute un échec commercial en raison de son profond raffinement et de sa beauté trop discrète. Du théâtre filmé, certes, puisque c’est l’adaptation d’une pièce (de Hjalmar Soderberg), mais Dreyer gomme tout effet ostentatoire lié à cet art
de l’expression, qui repose en partie sur la projection verbale. Le cinéaste, lui, filme l’intériorité, le silence, ce qui se dit entre les mots. Ici, le présent n’est rien. C’est le passé qui occupe l’héroïne, et qui s’explicite au moment où elle retrouve le poète Lidman. Gertrud met clairement en équation l’art et l’amour quand elle comprend que Lidman l’a aimée égoïstement pour alimenter sa propre inspiration poétique, alors qu’elle a sacrifié son métier à sa vie sentimentale. Résignée à la mélancolie et à la solitude, elle finira sa vie en réaffirmant que l’amour est la valeur suprême. Dans ce film qui est à la fois son chant du cygne et son art poétique, Dreyer célèbre autant le credo pur et intransigeant de Gertrud pour l’amour que celui de l’écrivain auquel on peut identifier le cinéaste qui met son âme dans la description de la passion plutôt que dans la passion elle-même.