La 22e édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer a rendu son verdict. Retour sur le palmarès et bilan du festival.
Le festival International du film fantastique de Gérardmer s’est achevé hier sous la neige, tombée en masse, et les applaudissements d’un public conquis. Il faut dire que la sélection des films en compétition était de grande qualité, comme l’a souligné Philippe Rouyer, journaliste chez Positif, qui a remis le Prix de la critique : « Cette année, la sélection des films en compétition était particulièrement riche. Ce n’est pas le cas tous les ans alors cela mérite d’être souligné« .
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Pour les différents jurys, il n’a donc pas été facile de faire un choix parmi les dix films en compétition. A l’arrivée, le palmarès semble logique, avec une petite surprise en prime.
« It follows », portrait d’une jeunesse américaine désoeuvrée
Après des passages remarqués aux festivals de Cannes et de Deauville, It Follows (qui sort en salle ce mercredi), LE grand favori, a remporté le Grand Prix et le Prix de la critique. Ce deuxième film du jeune réalisateur américain David Robert Mitchell raconte l’histoire d’une adolescente qui, après avoir couché avec un garçon, est suivie par une chose menaçante qu’elle seule peut voir. Servi par une mise en scène magistrale et flippante, le film dresse le portrait d’une jeunesse américaine désoeuvrée, qui ne peut plus jouir sans entrave.
Ex_Machina d’Alex Garland et The Voices de Marjane Satrapi ont reçu le Prix Spécial du Jury ex aequo. Ex_Machina est le premier film d’Alex Garland, connu pour les scénarios de La Plage, 28 jours plus tard et Sunshine de Danny Boyle. Son coup d’essai est presque un coup de maître, le film est une réussite à bien des niveaux ; son casting est impeccable (intelligente utilisation de Domhnall Gleeson, cyborg dans la série Black Mirror, Oscar Isaac parfait comme toujours, et la magnifique Alicia Vikander), son scénario est logiquement de grande qualité, mais le point fort du film tient dans sa capacité à représenter un univers entre deux mondes, celui des hommes et celui des cyborgs, et à développer toute une série de questionnements liés à cet entre-deux. Toutefois, l’ampleur du film est limitée par une mise en scène balisée et trop classique.
Ryan Reynolds en grande forme dans The Voices
Le deuxième film récompensé, The Voices, est une oeuvre pop et légère, qui nous place dans la peau d’un serial killer interprété par un Ryan Reynolds en grande forme. Si le pari du film est plutôt réussi dans un premier temps, son désir de séduction devient à la longue gênant et finit par nous éloigner du personnage principal. Sa richesse aurait pu provenir de son côté grinçant mais The Voices fuit cet aspect pour s’engouffrer dans un humour facile et une esthétique racoleuse qui font finalement du film un bocal à friandises dans lequel la réalisatrice pioche tellement qu’elle finit par vider son film de tout intérêt. A ce titre, la séquence de générique de fin en forme de grand clip réconciliateur tend même à en faire un feel good movie, ce qui dénote complètement avec le projet de départ. Le rabattage du film est pourtant un franc succès puisqu’il a également remporté le Prix du Public.
La surprise est venue du Jury Jeune et du Jury Syfy qui ont décidé de récompenser Goodnight Mommy des autrichiens Veronika Franz et Severin Fiala. Ce huis clos où Les yeux sans visage de Franju croise Le ruban blanc d’Haneke, raconte l’histoire des rapports pour le moins compliqué entre une mère et ses deux jumeaux. Doté d’une mise en scène chirurgicale, le film est sans doute l’un des plus dérangeants du festival, notamment à cause d’une scène qui propose une utilisation peu commune de la colle à prise rapide.
Une réalité incertaine, mensongère et source d’angoisses
Plus globalement, on notera la faible part de films apocalyptiques et de films de zombies. Cette sélection dresse plutôt le portrait d’un monde où l’apparente réalité est devenue incertaine, mensongère et source d’angoisse. Dans It Follows, c’est la chose qui suit Ray et qui peut prendre les traits d’un passant lambda ou d’un proche de l’adolescente. Dans The Signal, une sorte de Hunger Games indé, c’est un environnement qui ressemble au nôtre tout en étant rempli d’anomalies. Et dans The Voices, c’est le monde vu à travers les yeux d’un tueur en série.
Il en va de même dans de nombreux films du festival, dont Goodnight Mommy ou Honeymoon en compétiton ou Les Ames Silencieuses ou The Mirror hors-compétition. La réalité devient douteuse et tout l’enjeu de ces films sera la dissipation de ce doute, soit en l’identifiant et l’isolant, soit en l’affrontant ou en tentant de lui échapper. A ce titre, Réalité, le nouveau film de Quentin Dupieux est, sous ses airs de film inclassable, complètement représentatif de la sélection du festival: il est le théâtre de ce jeu entre réalité et copie trompeuse de cette réalité.
La transhumanité annoncée
La réalité est donc tronquée, tout comme l’être humain. Des films comme Ex_Machina ou The Signal annoncent une transhumanité où l’homme s’allie avec la machine jusqu’à se confondre avec elle. Transhumains, enfants et adolescents sont particulièrement présents. Ils ont tous en commun la transformation du corps et de l’esprit. Cette transformation passe évidemment par la possibilité d’une sexualité pour les adolescents mais aussi pour Ava, l’Eve cyborg de Ex_Machina, et par la rébellion contre l’autorité des ainés. Quand elles ne sont pas complètement absentes comme dans Ouija, It Follows ou Jamie Mark is dead, les figures parentales sont mises à mal car cette transformation passe ici bien souvent par le meurtre du père et/ou de la mère.
La mode du parricide
Le festival s’est ouvert sur le meurtre du créateur d’Ava dans Ex_Machina et s’est achevé sur celui du père du Tim dans The Mirror. Mais ce motif était aussi présent dans des films comme Goodnight Mommy, Monsterz, Les Ames Silencieuses, CUB ou The Pool. Après l’infanticide de The Babadook, récompensé l’année dernière à Gérardmer, ou de The Conjuring, sorti en 2013, le parricide semble être la nouvelle mode du cinéma d’horreur.
Le palmarès complet de la 22e édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer :
Grand Prix : It Follows de David Robert Mitchell
Prix spécial du Jury : The Voices de Marjane Satrapi & Ex_Machina d’Alex Garland
Prix du public : The Voices de Marjane Satrapi
Prix de la critique : It Follows de David Robert Mitchell
Prix du Jury jeunes : Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala
Prix du Jury Syfy : Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala
Prix du court métrage : Habana d’Edouard Salier
Prix de la musique originale : These Final hours de Zak Hilditch
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