Ulu Grosbard refait surface à Cannes avec un beau film mélancolique qui ouvre Un certain regard. Il y a des films qui font peur, comme ça, a priori. Juste un mauvais pressentiment à la lecture de leur scénario soudé au mastic des conventions. Cas d’école, Georgia d’Ulu Grosbard ce grand ami de Robert de […]
Ulu Grosbard refait surface à Cannes avec un beau film mélancolique qui ouvre Un certain regard.
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Il y a des films qui font peur, comme ça, a priori. Juste un mauvais pressentiment à la lecture de leur scénario soudé au mastic des conventions. Cas d’école, Georgia d’Ulu Grosbard ce grand ami de Robert de Niro et cinéaste inégal avait signé le correct Sanglantes confessions et, surtout, l’excellent Récidiviste avec Dustin Hoffman, d’après le roman autobiographique d’Edward Bunker, Aucune bête aussi féroce. Georgia, c’est l’histoire de deux frangines fanatiques de musique que tout sépare dans la vie. L’héroïne éponyme est une représentante exemplaire de la démocrate américaine clean. Certes, elle a sans doute fumé un joint dans son adolescence ou même pataugé de tout son cœur dans la gadoue de Woodstock ; mais aujourd’hui, indubitablement, les choses sont rentrées dans l’ordre. Une belle bicoque dans la banlieue classieuse de Seattle, deux gamins forcément à croquer et une carrière de chanteuse cuménique. De l’autre côté, il y a Sadie, la ratée de la famille, la désespérée de la vie, le miroir renversé de Georgia. Sadie est une junkie, une alcoolique, qui écume les bars pour des cachets minables avec des groupes assortis.
Evidemment, quand on sait que le film de Grosbard raconte un bout du destin entrecroisé des deux donzelles, on a quelques raisons de craindre un orage de pathos et quelques giboulées de misérabilisme. Erreur totale. Georgia a beau ne pas être un chef-d’œuvre qui révolutionne la grammaire cinématographique, il n’en demeure pas moins un film foutrement émouvant, plus proche d’un Cassavetes déglingué que d’un vulgaire tâcheron hollywoodien chargé d’émouvoir les foules du Kansas. Dans Georgia, Grosbard prend tout son temps pour montrer l’ineffable processus fitzgeraldien d’autodestruction affligeant la sœur mal en point et la culpabilité compliquée affectant la bonne fille rangée. Il le fait avec un souci constant de capter les variations infimes inscrites dans les corps et les regards, notamment ceux de Jennifer Jason Leigh, absolument exceptionnelle de bout en bout dans le rôle de Sadie. Bien qu’elle porte également la casquette de coproductrice, Mlle Leigh ne s’adonne jamais au cabotinage généralement de rigueur dans ces cas-là. Alors voilà, Georgia est simplement un beau film mélancolique qui a oublié d’être lourd, schématique et démagogique.
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