Richard Dindo flirte avec la fiction en suivant, textes à l’appui, les traces de Jean Genet en Palestine, terre de sa dernière croisade. En trente ans, le Suisse Richard Dindo a tourné une vingtaine de films. Pourtant, on n’en a vu qu’une poignée chez nous. Pourquoi ? Le dernier paru sur nos écrans, Ernesto “che” […]
Richard Dindo flirte avec la fiction en suivant, textes à l’appui, les traces de Jean Genet en Palestine, terre de sa dernière croisade.
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En trente ans, le Suisse Richard Dindo a tourné une vingtaine de films. Pourtant, on n’en a vu qu’une poignée chez nous. Pourquoi ? Le dernier paru sur nos écrans, Ernesto « che » Guevara, le journal de Bolivie (1994), était une superbe et poignante balade sur les traces du guérillero courant à sa mort sordide dans un bled perdu des Andes. Avec Genet à Chatila, enquête poétique sur la trajectoire de Jean Genet au Moyen-Orient (au Liban et en Palestine), Dindo sort un peu de sa réserve de documentariste pur et dur. Ponctuant le voyage de textes de l’écrivain extraits d’un article intitulé Quatre heures à Chatila et de son dernier livre, Un captif amoureux dits en voix off par Jean-François Stévenin, il filme une jeune actrice d’origine maghrébine, Mounia Raoui, qui met ses pas dans ceux de Genet et rencontre quelques témoins de l’époque. Ça commence très fort à Beyrouth avec la visite de Chatila, camp palestinien que Genet visita en 1982, quelques jours après le massacre de milliers de réfugiés par les milices chrétiennes. Documents à l’appui : les images d’actualité du charnier sont visionnées par les rescapés d’aujourd’hui, bouleversés. Si le film de Dindo n’avait que cette vertu historique, ce serait déjà fort bien. Mais l’enjeu du film dépasse l’évocation de la guerre du Liban et de ses horreurs, et même celle de la cause palestinienne, que Genet avait épousée par humanisme plus que par idéologie. L’idée presque religieuse du film, c’est de faire un pèlerinage sur une légende quasi christique : saint Genet. Mounia Raoui converse avec les fedayins qui ont connu et hébergé Genet, avec Leila Shahid, la déléguée palestinienne, amie de l’écrivain. On arpente les paysages qu’il a traversés près du Jourdain, avec en fond musical le Requiem de Mozart qu’aimait tant Genet, on voit le lit où il a dormi chez une famille palestinienne d’Amman. Tout cela constitue une marqueterie d’impressions, d’émotions, qui rend le souvenir parlant et vivant. Seulement, était-il vraiment nécessaire de mettre en scène certaines phrases de l’écrivain (cf. la scène où la mère de son hôte, Hamza, lui porte du thé dans la chambre où il dort) ? Dindo explique ces redondances : « A mon avis, ça n’a rien à faire avec l’illustration ; c’est renforcer le regard du spectateur et son écoute… » On a le droit de ne pas être d’accord avec cette intrusion homéopathique de la fiction et de préférer le Dindo ancienne manière. Cela n’enlève aucune de ses qualités à ce film juste et beau.
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