Les petits larcins de deux adolescents du nord de l’Angleterre. La révélation d’une jeune cinéaste qui porte le réalisme social à son point d’incandescence.
Clio Barnard, jeune cinéaste anglaise venue du documentaire, dit avoir voulu, pour son premier long métrage de fiction, adapter une nouvelle d’Oscar Wilde, “The Selfish Giant”. Le géant, chez Wilde, est véritable et interdit son affriolant jardin aux enfants.
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Ici, il se fait plus réaliste, et roublard : c’est un ferrailleur à qui deux gamins exclus de leur collège, Arbor et Swifty, cherchent à refourguer des objets glanés de-ci, de-là, pour se faire un peu d’argent et trouver un but à leurs journées buissonnières.
L’installation, des plus classique, voire longuette, quadrille un territoire et des personnages mille fois labourés par le cinéma social anglais : paysages industriels dévastés et maisonnettes en briques délavées, young lads à l’accent aussi épais que la pluie qui leur tombe dessus à longueur de journée, parents paumés, chômage et système D – “fock it”, en somme.
Pourtant, rapidement, il apparaît évident que Clio Barnard ambitionne davantage que de marcher dans les pas de Ken Loach, celui de Sweet Sixteen par exemple. Première étrangeté : c’est à cheval, plutôt qu’en scooter, qu’Arbor et Swifty effectuent leurs petits larcins. Un des deux enfants,le plus fragile, entretient en effet une passion pour les chevaux,
et se voit confier par le “géant” l’entretien de son cheptel, tandis que l’autre, frondeur, n’a d’yeux que pour la ferraille qu’il emmagasine de plus en plus frénétiquement.
S’instaure ainsi une opposition entre deux régimes, animal et mécanique, qui fonctionne bien plus que comme un simple frisson théorique. La mise en scène de Barnard, autrement plus précise que le tout-venant caméra-épaule, prend réellement en charge cette tension, et se resserre progressivement sur une poignée de motifs qui font basculer le film dans le fantastique.
Le souffle des chevaux, le grésillement des lignes à haute tension, le crépitement de la pluie, les cheminées impavides qui découpent l’horizon, la boue, l’acier, l’argent qui passe de main en main et les salit : une matérialité entêtante chauffe le récit à blanc, le porte à un degré d’incandescence rare. Jusqu’au finale, bouleversant : plutôt que de se clore sur le drame attendu, comme un couperet – cette vilaine tendance fataliste du cinéma social, avec sa morale du “c’est comme ça” –, le film accompagne encore un peu ses protagonistes, enregistre leur sidération, pèse leur culpabilité, détermine leurs responsabilités. Mais sans acharnement, presque avec douceur, comme si le cinéma avait le devoir de se lover contre ceux qui ont tout perdu.
En salle le 18 décembre
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